LâAtoll, une Ăźle au format particulier
Les Tuamotu sont composĂ©s de vastes anneaux de corail et de sable posĂ©s sur lâimmensitĂ© du Pacifique. Lâarchipel compte 76 atolls (parmi les 425 atolls que compte la planĂšte) : petits, grands, ronds, ovales ou rectangulaires, ils sont alignĂ©s sur 1 500 kilomĂštres dans un axe sud-est â nord-ouest. Leurs dimensions peuvent sâavĂ©rer gĂ©nĂ©reuses, comme celles de Rangiroa avec ses mensurations de 83 km de long sur 33 km de large, qui pourrait contenir Tahiti dans son lagon. SâĂ©tendant sur 60 km de long et 23 km de large, Fakarava nâest pas loin derriĂšre et ressemble presque Ă une petite mer intĂ©rieure aux couleurs Ă©meraude.
Lâatoll, une formation gĂ©ologique originale
Les Tuamotus se situent au-dessus dâune faille sous-marine correspondant Ă la rencontre de la plaque tectonique du Pacifique et de celle de Nazca qui sâĂ©tend jusquâaux cĂŽtes du Chili. La zone est instable et favorise lâactivitĂ© volcanique Ă des frĂ©quences qui sont Ă lâĂ©chelle de la crĂ©ation du monde. Toujours est-il quâĂ la place de la mer situĂ©e dans lâatoll de Rangiroa se trouvait autrefois une montagne dĂ©passant les deux mille mĂštres Ă la pĂ©riphĂ©rie de laquelle Ă©mergeait un rĂ©cif. Le mouvement des plaques tectoniques ayant provoquĂ© lâenfoncement et la disparition des Ăźles, nâont demeurĂ© que les rĂ©cifs oĂč la vie sâest maintenue en se dĂ©veloppant vers la lumiĂšre au fur et Ă mesure que leurs supports sombraient dans lâocĂ©an. Une belle preuve de la capacitĂ© de rĂ©silience du vivant.
Climat propice aux activités nautiques durables
Lâarchipel bĂ©nĂ©ficie toute lâannĂ©e dâun climat chaud de type subtropical avec plus de 3000 heures dâensoleillement par an. La tempĂ©rature moyenne annuelle est de 26 °C. Il nâexiste pas de pĂ©riode climatique comportant des tempĂ©ratures trĂšs Ă©levĂ©es, elles sont toujours tempĂ©rĂ©es par lâocĂ©an. De plus, la faible Ă©lĂ©vation du relief ne constitue pas dâobstacle Ă la circulation de la brise ou des vents, comme câest le cas pour certaines Ăźles hautes. Il existe une pĂ©riode plus humide qui sâĂ©tend de novembre Ă avril, au cours de laquelle des cyclones ou fortes dĂ©pressions tropicales avec dâimportantes chutes de pluie sont toujours possibles. Ces tempĂȘtes sont nĂ©anmoins surveillĂ©es et les diffĂ©rentes Ăźles misent en Ă©tat dâalerte si nĂ©cessaire. Les prĂ©cipitations varient entre 1200 et 2500 mm Ă lâannĂ©e.
La tempĂ©rature de lâeau est relativement constante et varie entre 26 °C et 29 °C selon les pĂ©riodes de lâannĂ©e.
La passe, le poumon de lâatoll
Lâanneau corallien de faible altitude est entaillĂ© de passes profondes dâune trentaine de mĂštres de profondeur qui permettent une ouverture du lagon sur lâocĂ©an, ainsi que dâune multitude de petits bras, les hoas, qui sont envahis par la mer Ă chaque marĂ©e montante.
Les passes se situent Ă lâemplacement des lits des anciennes riviĂšres qui se dĂ©versaient des contreforts des Ăźles aujourdâhui disparues. LâĂ©coulement de lâeau douce puis des courants marins qui ont pris le relais ont ainsi empĂȘchĂ© lâimplantation et le dĂ©veloppement du vivant et en particulier du corail. Les passes vivent au rythme de la lune qui provoque sous ces latitudes un marnage moyen dâune soixantaine de centimĂštres. Ce phĂ©nomĂšne de marĂ©e occasionne un vidage et un remplissage partiel de lâatoll toutes les six heures. Cette sorte de respiration provoque dans les passes un fort courant pouvant atteindre jusquâĂ huit nĆuds ! Ce courant indispensable Ă la propagation de la vie dans les ocĂ©ans est lâĂ©lĂ©ment clef de la prĂ©sence dâune biodiversitĂ© exceptionnelle Ă ces endroits.
La dispersion des larves augmente lâaire de rĂ©partition gĂ©ographique des espĂšces, ce qui explique que quelques kilomĂštres de rĂ©cifs coralliens abritent autant dâespĂšces.
La PolynĂ©sie française compte ainsi 800 espĂšces de poissons. Pour les mĂȘmes raisons, les premiers habitants des Tuamotu se sont installĂ©s Ă proximitĂ© des passes afin dây prĂ©lever plus aisĂ©ment leur nourriture essentielle : le poisson.
Un site naturel privilégié pour la pratique des sports nautiques
Les PolynĂ©siens ont pris tardivement conscience du potentiel que reprĂ©sentent les atolls de par leur singularitĂ© et leur beautĂ© naturelle. Si la pĂȘche a permis de tout temps la capture de nombreuses variĂ©tĂ©s de poissons, câest la plongĂ©e bouteille qui permet de prĂ©ciser les donnĂ©es. Dans les annĂ©es 80, des plongeurs Ă©quipĂ©s de bouteilles explorent les profondeurs et inventorient les sites et en particulier les passes. On dĂ©couvre alors que des concentrations incroyables de poissons peuplent les eaux polynĂ©siennes. Parmi les nombreuses espĂšces de requins prĂ©sentes, les concentrations des magnifiques requins gris de rĂ©cif (Carcharhinus amblyrhynchos ou raira en tahitien) sont les plus impressionnantes : plusieurs centaines de ces squales se rassemblent dans les passes et font partie des plus importantes concentrations de requins dans le monde. Aujourdâhui, la plongĂ©e sous-marine est un Ă©lĂ©ment de dĂ©veloppement Ă©conomique majeur, la PolynĂ©sie française et tout particuliĂšrement les Tuamotu, Ă©tant classĂ© dans le « Top 10 » des destinations de plongĂ©e dans le monde. On considĂšre dâailleurs que les trois quarts de la biodiversitĂ© de cette partie du Pacifique sont concentrĂ©s Ă proximitĂ© des passes principales.
Plusieurs activités se mettent également en place comme la voile avec la location de bateaux ou le charter, la pratique du kayak de mer ou encore le snorkeling.
Contexte Ă©conomique maritime
Compte tenu de la configuration de cette partie du Pacifique, lâune des activitĂ©s Ă©conomiques majeure demeure la pĂȘche. Il sâagit dâune pĂȘche essentiellement artisanale qui sâorganise souvent autour de dispositifs de concentration de poissons fixes, installĂ©s en pleine mer.
Le coprah, lâalbumen sĂ©chĂ© des noix de coco, fait partie des activitĂ©s ancestrales qui perdurent. Une fois ramassĂ© et sĂ©chĂ©, le coprah est expĂ©diĂ© vers Tahiti Ă destination dâune usine de transformation pour en extraire lâhuile qui est utilisĂ©e en particulier pour la fabrication du MonoĂŻ. Par ailleurs, la perliculture a vu le jour dans les annĂ©es 1980. AprĂšs avoir Ă©puisĂ© le stock dâhuĂźtres sauvages, dont les perles servaient de monnaie dâĂ©change lors de lâarrivĂ©e des EuropĂ©ens, lâĂ©levage dâhuĂźtres perliĂšres prit la relĂšve. Aujourdâhui, plusieurs dizaines de fermes sont installĂ©es sur les diffĂ©rents atolls des Tuamotu. Enfin, le tourisme est devenu avec lâavĂšnement du transport aĂ©rien une composante majeure du dĂ©veloppement Ă©conomique de ces Ăźles. Les chiffres demeurent malgrĂ© tout modestes puisque le total des touristes de PolynĂ©sie française est infĂ©rieur au nombre de touristes que peut accueillir une petite Ăźle comme le Parc National Français de Port-Cros situĂ© en MĂ©diterranĂ©e.
Une riche histoire maritime
La qualitĂ© des connaissances des anciens PolynĂ©siens en matiĂšre de navigation maritime demeure Ă ce jour une vĂ©ritable Ă©nigme. Il ne fait aucun doute que ce peuple sâest dĂ©placĂ© aux quatre coins du Pacifique bien avant que les premiers Occidentaux dĂ©couvrent ces Ăźles enchanteresses. Les moyens Ă©taient rudimentaires et la navigation ne pouvait sâeffectuer quâen ayant mis au point des techniques basĂ©es sur lâobservation de la nature.
La double pirogue polynésienne
Plusieurs modĂšles de pirogues furent observĂ©s et dessinĂ©s par les premiers EuropĂ©ens qui frĂ©quentĂšrent ces Ăźles. Parmi ceux-ci la pirogue des Tuamotu qui Ă©tait parfaitement adaptĂ©e Ă la navigation lagonaire. Elle Ă©tait composĂ©e de deux coques rĂ©unies par des poutres et un plancher oĂč une hutte en vĂ©gĂ©tal permettait dâabriter ses occupants. Deux mĂąts permettaient dâĂ©tablir des voiles fabriquĂ©es Ă partir de vĂ©gĂ©taux.
Une mauvaise réputation auprÚs des navigateurs européens
Le premier EuropĂ©en Ă atteindre les Tuamotu fut Magellan en 1521. Il fut suivi par le navigateur portugais Pedro Fernandez de Quiro en 1606. Puis, vint le tour du cĂ©lĂšbre navigateur hollandais Le Maire qui, aprĂšs avoir doublĂ© le Cap Horn, dĂ©couvrit entre autres les atolls de Takapoto, Takaroa, Manihi et Rangiroa. Lâarchipel qui devint français en 1880 a souffert dâune mauvaise rĂ©putation auprĂšs des navigateurs et mĂȘme des plus cĂ©lĂšbres. QualifiĂ©es de « Mauvaises eaux » par William Schouten en 1616, de « Labyrinthe » par Jacob Raggeveen en 1922, ou dâ« Archipel dangereux » par Louis Antoine de Bougainville en 1768, les Ăźles Paumotu ou Ăźles basses en langue locale, nâĂ©taient pas faciles Ă repĂ©rer et leurs rĂ©cifs Ă fleur dâeau Ă©taient trĂšs redoutĂ©s.
Monoculture des cocoteraie
LâarrivĂ©e des EuropĂ©ens changea la vie des Paumotu, les habitants des atolls. Les ressources alimentaires en furent mĂȘme modifiĂ©es ; si le poisson constitue encore aujourdâhui une des composantes essentielles de lâactivitĂ© et de lâalimentation, il en va diffĂ©remment des cultures vivriĂšres. Des fouilles archĂ©ologiques rĂ©centes ont mis Ă jour des traces de fosses servant Ă la culture de lĂ©gumes comme le tarot. Les vĂ©gĂ©taux prĂ©sents Ă lâĂ©poque en quantitĂ© sur ces Ăźles permettaient la fabrication dâhumus quâon logeait dans les fosses pour pallier la pauvretĂ© des terres constituĂ©es essentiellement de sable et de corail. HĂ©las, pour des raisons Ă©conomiques de lâĂ©poque, il fut dĂ©cidĂ© de planter des cocotiers, comme se fĂ»t le cas pour de nombreuses destinations insulaires du Pacifique. Ceux-ci se dĂ©veloppĂšrent au dĂ©triment des vĂ©gĂ©taux endĂ©miques, et petit Ă petit la culture vivriĂšre disparut. Lâimpact se mesure encore aujourdâhui puisquâil est nĂ©cessaire de faire venir Ă grands frais par bateaux, des lĂ©gumes et des fruits cultivĂ©s parfois Ă des milliers de kilomĂštres.