Nager au milieu des dauphins acrobatiques de Kaikoura
Kaikoura est réputé pour être l’un des meilleurs endroits au monde pour rencontrer régulièrement des dauphins sauvages dans leur milieu naturel et tout particulièrement pour nager avec eux !
Présente dans l’hémisphère sud, le dauphin sombre ou obscur, du nom latin Lagenorhynchus obscurus, évolue en général à proximité des côtes, ce qui facilite le repérage et sécurise la mise à l’eau.
En scrutant l’horizon, entre éclaboussures et sauts périlleux, on repère facilement ces joyeuses bandes de mammifères variant entre 100, 300, voire 600 individus (!) qui se donnent volontiers en spectacle. Au-delà de l’observation qui est déjà impressionnante en soi, la mise à l’eau est une expérience extraordinaire qui permet de découvrir l’univers de cette espèce particulièrement attachante. Malgré leur nom peu engageant, ces animaux sont extrêmement sociaux et démonstratifs. Si ce n’est pas le cas pour toutes les espèces de dauphins, les guides animaliers recommandent aux nageurs de faire du bruit afin de favoriser l’interaction avec les dauphins obscur. L’enthousiasme des nageurs se décuple par l’effet de groupe et il faut admettre que cela attire les dauphins qui arrivent en général peu de temps après, comme pour évaluer l’origine de ce tintamarre humain.
Des bancs constitués de centaines à plus d’un millier d’individus !
Outre leur instinct grégaire, ces mammifères sont particulièrement actifs et interactifs : certains exécutent des cabrioles, sauts spectaculaires et enchaînent des sauts périlleux arrières tandis que d’autres jouent, sondent, surfent sur les vagues en frôlant les nageurs… Il n’est pas rare que l’un d’entre eux s’amuse à vous suivre en apnée, en tournant autour de vous et en vous regardant droit dans les yeux… C’est une expérience inoubliable que de percevoir l’intelligence de ces mammifères marins. Il faut cependant se rappeler que cette attitude engageante n’est possible qu’à une seule condition et les guides insistent sur ce point, » vous n’êtes pas en présence de Flipper le dauphin ! Il faut laisser l’animal venir vers vous et en aucun cas le poursuivre, ni tenter de le toucher, ce qui n’apporterait rien de plus à cette expérience magique « .
Forte de plusieurs années d’expérience, l’équipe de Dolphin Encounter a développé un savoir-faire reconnu pour faciliter la nage avec les dauphins en les perturbant le moins possible. Chaque bateau est limité à 16 nageurs maximum et les mises à l’eau varient entre 3 et 4. De même, la durée de l’interaction est surveillée. Positionnés sur la jupe arrière du bateau, les nageurs attendent le signal pour se mettre à l’eau le plus délicatement possible et remontent à bord dès qu’ils entendent le signal du retour quelques minutes plus tard. L’organisation est bien huilée et la prestation se déroule en toute sécurité avec un taux de chance de rencontre de l’ordre de 90 %.
En Nouvelle-Zélande, le dauphin obscur vit principalement le long de la côte est de l’île du Sud. Ces dauphins ont un instinct grégaire très développé et vivent au sein de grands groupes qui peuvent être constitués de centaines à plus d’un millier d’individus ! D’après les observations, les groupes sont plus imposants en automne et en hiver. Les naissances ont lieu généralement entre septembre et décembre.
Un seul opérateur pour nager avec les dauphins à Kaikoura
Le tourisme d’observation des dauphins a commencé à se développer à Kaikoura vers la fin des années 1980. Originaires de la région, Dennis Buurman, son frère Rik et Ian Bradshaw ont été parmi les premiers en Nouvelle-Zélande à proposer des sorties pour « nager avec les dauphins » durant l’été de 1989-90. » Les touristes nous demandaient de les emmener au large pour voir les dauphins de plus près nous » raconte Dennis, qui était alors pêcheur local. Les jeunes hommes étaient loin de se douter à l’époque que ces sorties auraient autant de succès et qu’ils seraient bientôt à la tête d’une compagnie accueillant près de 25 000 visiteurs par an ! Quand Dennis et son épouse Lynette rejoignent le Dolphin Encounter en 1991, ils décident de développer l’activité avec une démarche durable. Un an plus tard, ils acquièrent, auprès du ministère de la Conservation, le DOC, le permis obligatoire par la législation néo-zélandaise pour lancer une compagnie commerciale d’observation de mammifères marins et en achètent un deuxième en l’an 2000. Grâce à ces deux permis, Dolphin Encounter organise aujourd’hui 2 à 3 sorties par jour à bord de ses 4 bateaux.
» Nous sommes l’unique opérateur de Kaikoura à proposer l’observation et la nage des dauphins sombres » précise Dennis « cela permet ainsi de réguler facilement l’activité en limitant la pression sur les mammifères marins« . Un privilège rare « Nous étions les premiers à lancer l’activité que nous avons développée de façon respectueuse pour l’environnement et pour la population locale » explique simplement le directeur de Dolphin Encounter qui emploie entre 30 et 50 personnes selon la saison. » Kaikoura a la particularité de compter un seul opérateur local pour chaque activité, qu’il s’agisse de l’observation des dauphins, des cachalots ou des otaries… Chacun gère son activité en respectant celle des autres « . Nous nous réunissons régulièrement avec des scientifiques pour faire le point, à l’image des maoris qui prenaient les décisions collectivement pour gérer les ressources naturelles « . Telle est la spécificité et le secret du succès de la péninsule de Kaikoura, ancienne réserve maori, qui est parvenue à se hisser au premier rang des stations balnéaires éco-touristiques.
Depuis plusieurs années, l’association « Te Korowaï » réunit les membres représentatifs de la communauté de Kaikoura qui exploitent, gèrent et étudient les ressources maritimes, à savoir les opérateurs de tourisme, les pêcheurs loisir et professionnels, les plongeurs pêchant le paua (ormeau) et les scientifiques dans le but de veiller à préserver le patrimoine maritime exceptionnel de Kaikoura pour les générations futures. » Les réunions ont lieu au sein du marae afin de favoriser le dialogue et la bonne entente selon la tradition de nos ancêtres maoris qui savaient déjà exploiter les ressouces marines tout en les préservant » explique Gina Salomon, représentante du Runanga, le marae de Kaikoura.
Une réserve marine en cours de création au sud de Kaikoura
Après consultation de la communauté locale, le groupe a élaboré une stratégie de gestion des ressources locales pour chaque activité basée sur le processus « dons en échanges de gains ». » Nous avons réalisé un rapport incluant plus de 150 amendements validés par chacun des membres de Te Korowai, qui va nous permettre d’étayer notre demande auprès du gouvernement en faveur de la création d’une réserve marine au sud de Kaikoura. » poursuit Gina Salomon, fière de cette initiative dite « ascendante », » nous n’avons pas attendu que les autorités nous imposent une règlementation, nous avons décidé de prendre notre destin en main et de choisir nous-mêmes les mesures les plus appropriées que nous soumettons au gouvernement pour qu’il les transforme en loi. » Une démarche citoyenne exemplaire qui sera peut-être un jour couronnée de succès et qui fonctionne déjà bien à voir le développement florissant et apparemment harmonieux de la région…
Dès le milieu des années 90, le DOC a commandé une étude scientifique afin d’évaluer à court et à long terme les effets du tourisme sur la population des dauphins obscurs, imposant un moratoire de 10 ans sur les nouveaux permis. Conscients du développement fructueux de Dolphin Encounter, les dirigeants ont logiquement collaboré avec les biologistes marins afin de mesurer l’impact de leur activité sur les dauphins, dont la présence et la bonne santé représentent la raison d’être de la compagnie.
Les dauphins de plus en plus réactifs à la présence des bateaux de tourisme
Chargés de l’étude, les biologistes marins Barr et Slooten ont comparé les données recueillies avec celles d’autres chercheurs datant de l’avènement du tourisme entre 1984 et 1988, puis de la période de croissance entre 1993 et 1999, jusqu’à la période suivante de 2008-2010. Les comparaisons ont clairement indiqué une augmentation de la réactivité des dauphins au passage des bateaux touristiques. » En leur présence, les dauphins passent beaucoup moins de temps à se reposer alors que le temps consacré à exécuter des sauts et à nager à l’étrave augmente » explique David Jeffrey Lundquist, docteur à l’université d’Otago. » Par ailleurs, la vitesse de nage du groupe a globalement diminué mais en revanche aucun changement d’habitat flagrant n’a été constaté sur une grande échelle. »
Un moratoire de 10 ans sur les permis pour étudier les effets du tourisme sur les dauphins
A la fin du moratoire, en 2010, de nouvelles recommandations ont donc été émises, comprenant une réduction du nombre de mises à l’eau des nageurs par tour et le respect obligatoire d’une période de repos à midi. En revanche, aucune incidence n’ayant été observée par rapport au nombre de nageurs dans l’eau, l’opérateur est autorisé à augmenter la capacité par tour. » Si après de nouvelles études, ces changements s’avèrent inefficaces pour réduire l’impact des activités d’observation et de nage avec les dauphins, d’autres mesures plus appropriées seront alors prises en compte » explique Jody Weir, biologiste canadienne installée à Kaikoura qui a obtenu un permis pour étudier la population de dusky au quotidien. Parmi ses nombreuses observations, la jeune femme est parvenue à prouver que les mères tendent à se rapprocher plus près des côtes dans des eaux peu profondes afin de protéger leur progéniture des prédateurs (orques, requins…). Jody Weir est à l’origine de l’organisme KORI (Kaikoura Ocean Research Institute) lancé en 2012 dans le but de constituer une base de donnée des mammifères marins résidents et de passage dans les eaux de Kaikoura. Une initiative indispensable pour cette région si riche !!!