Séjours en éco gîte à la ferme de Quéménez au plus proche de la nature
En 2007, le Conservatoire du littoral a sélectionné un couple pour s’installer sur l’île de Quéménès au coeur de l’archipel de Molène avec pour mission de prouver que la présence humaine y est compatible avec le respect de l’environnement.
Elle est éducatrice en milieu marin et lui est titulaire d’un bac agro et d’une maîtrise sur la géomorphie des littoraux. Quand ils se sont rencontrés, David et Soizic Cuisnier étaient loin d’imaginer qu’ils passeraient une partie de leur vie commune sur un îlot isolé au bout du Finistère !
Une vie de « robinsons de mer d’Iroise »
Après plusieurs mois de travaux, le couple a pris ses marques et est parvenu à s’intégrer sur ce bout de terre de 26 hectares où il pratique l’agriculture biologique et propose des chambres d’hôtes à la ferme insulaire de Quéménès. Une vie de « robinsons de mer d’Iroise » – comme les prénomment souvent les médias – dans un environnement extraordinaire, qui peut paraître idyllique à première vue mais qui impose courage, labeur et adaptation à un milieu rude battu par les embruns et les tempêtes. Un pari que David et Soizig relèvent remarquablement bien depuis 7 ans. Ils cultivent leurs pommes de terre, tout en entretenant l’île et en accueillant près de 400 visiteurs durant la saison estivale.
La petite île de Quéménès a même doublé le nombre de ses habitants avec les naissances de Chloé et Jules… Loin de se sentir isolé, le couple reçoit nombres de scientifiques – archéologues, biologistes marins et autres ornithologues – qui profitent de la période hors saison pour mener des missions passionnantes dont ils partagent souvent les découvertes et données comme la découverte d’une tombe du Néolithique à Quéménès !
Vivre avec la modernité en respectant Dame Nature
S’il n’y a ni télévision, ni radio pour permettre aux clients de se déconnecter, le gîte est néanmoins équipé de tout le confort moderne et – comble du luxe – dispose même de l’eau chaude et d’un lave-vaisselle ! Un séjour à Quéménès est l’occasion de réfléchir à notre mode de consommation, l’eau, le bois, l’électricité étant limités. Des toilettes sèches avec sciure ont été mises en place dans l’intention d’économiser l’eau et de faire du compost.
L’eau douce provient d’un puits, déjà utilisé par les précédents habitants de l’île, et des eaux de pluie récupérées dans des citernes, dont une bâtie en 1926. Le tout est filtré avec un dispositif comportant trois filtres en papier, de plus en plus fins, puis un filtre à charbon actif, et enfin une lampe à UV. L’ensemble fournit une eau potable. Si elle couvre tous les besoins du quotidien pour la famille Cuisnier et pour 10 visiteurs, elle doit néanmoins être consommée modérément : 35 litres par personnes par jour. D’ailleurs des systèmes d’économie d’eau ont été installés. L’eau chaude est fournie par un ensemble solaire installé dans le jardin à proximité de la grande maison.
Quant aux eaux usées, elles sont directement traitées par un système de phyto épuration composé de trois bassins successifs. Le premier bassin sert au filtrage souterrain, via une triple couche de gravillons, graviers, galets, des roseaux et à l’aide de bactéries aérobies. Grâce à sa végétation différente et complémentaire tels que les iris, le deuxième bassin va opérer un deuxième filtrage mécanique, et va soumettre l’eau aux bactérie anaérobies, avant que le troisième bassin n’expose l’eau aux ultraviolets. Au final, l’eau a une qualité digne d’une eau de baignade qui attire d’ailleurs nombres d’oiseaux assoiffés à la tombée du jour.
En ce qui concerne les macro déchets, le couple brûle tout ce qu’il peut et le reste est évacué par barge sur le continent.
L’écotourisme et l’agriculture bio développés avec succès sur l’île Quéménès
Jadis occupée par des pêcheurs-cultivateurs, l’île est aujourd’hui gérée par des agriculteurs bio et visitée par des éco-touristes.
Ce qui surprend en découvrant l’île pour la première fois, ce sont les étendues de murets – plus de 12 km au total – colorés de lichens jaune vif qui s’embrasent sous le soleil. Bien rectilignes, ils servaient à délimiter les champs et témoignent d’un passé agricole très ancien. Certains murets auraient été bâtis par des moines de l’abbaye de Saint-Mathieu, propriétaires de l’île entre le 15ème et le 19ème siècle.
Les habitants de l’île Quéménès ou Kemenez ont également exploité le goémon, très rentable pendant la première partie du 20ème siècle. Les terres n’ont réellement été remises en culture qu’à la fin des années 50, grâce à la famille Tassin qui racheta l’île en 1953 et qui l’occupa en permanence jusqu’en 1973. L’exploitation agricole y fut la plus prospère de tout l’archipel, comptant jusque 10 chevaux, 12 vaches et porcs, des moutons et des volailles. Le dernier paysan a quitté l’île en 1993.
Expérimentation du développement durable dans un environnement insulaire fragile
Aujourd’hui, la ferme insulaire produit environ 10 tonnes de pommes de terre, qui sont expédiées à divers commerces du continent par bateau, ou par vente par correspondance via la poste de Molène. Une serre a été érigée dans l’ancienne étable où poussent tomates, laitues et persil utilisés pour la table d’hôtes. La ferme compte deux tracteurs, un véhicule électrique et une petite vedette en aluminium pour rejoindre Molène et le continent et notamment pour transporter les clients. La plupart des équipements a été financé par la région de Bretagne, l’ADEME, L’EDF et par l’Europe dans le cadre d’un projet Interreg, nommé ISLA. La ferme est viable sur le plan économique.
Le gîte est autonome grâce à un mix d’énergies renouvelables
L’un des atouts du gîte est d’être totalement autonome au niveau énergétique grâce à des installations mêlant solaire, éolien, thermique et photovoltaïque.
L’activité de l’éco-gîte a pu démarrer dès l’été 2008, après la rénovation des 11 bâtiments que compte l’île et l’installation de l’équipement en matériel fournissant de l’énergie renouvelable. L’électricité est fournie par une éolienne, qui couvre tous les besoins de la famille Cuisnier de novembre à mars. Haute de 9 mètres et d’une puissance de 2,5 kW, elle a été conçue pour l’île et est autoportée – sans haubans – afin de ne pas perturber les oiseaux. Elle est complétée par 80 panneaux solaires, placés sur les toitures basses orientées Sud et fournissent 90% de l’électricité durant l’été. L’énergie est stockée dans 24 batteries au plomb de 2 volts, qui assurent en théorie 5 à 6 jours d’autonomie énergétique. Bonne surprise, pour le plus grand bonheur de Soizig, l’installation électrique fournit plus de courant que prévu, ce qui lui a permis d’investir dans un sèche-linge – le premier du genre sur l’île !
En cas de brume – environ 5 jours dans l’année – un groupe électrogène de secours peut être utilisé.
Une biodiversité très riche à découvrir et à protéger
Entre estran et rochers, forêts de laminaires et bancs de sable immaculé, oiseaux marins et crustacés, la nature est omniprésente à Quéménès dont on peut faire le tour à pied facilement, le long des petits sentiers.
Tout séjour sur l’île offre l’occasion unique de s’immerger dans cette nature d’exception. Quelles que soient les conditions climatiques ou la saison, l’île vous garantit dépaysement et évasion dans un espace naturel préservé. Le continent n’est pas si loin cependant puisqu’on en aperçoit les côtes parsemées d’habitations et que l’on peut admirer la belle silhouette de la pointe St-Mathieu dont l’abbaye fut jadis propriétaire de Quéménès.
Observation de phoques gris et de grands dauphins
Les eaux entourant Quéménès sont d’une clarté absolue pour le plus grand bonheur des baigneurs et des phoques gris que l’ont peut observer surtout à l’est de l’île où ils ont d’ailleurs l’habitude de bronzer. Présente à Ouessant et dans l’archipel de Molène, la colonie de phoques gris compte près de 80 individus, mais les recensements montrent qu’il existe de grandes variations saisonnières. D’après les observations des biologistes, le groupe de phoques ferait partie d’une population qui fréquente à la fois les côtes britanniques et bretonnes. Vous pourrez les voir pêcher autour des rochers et surtout se reposer ! Ils se posent par quelques mètres d’eau au milieu des roches et des algues.
Il est également fréquent d’observer le groupe de grands dauphins qui réside dans l’archipel. Durant notre séjour, nous avons pu les apercevoir chaque jour vers 14h00 au large de Beniguet, probablement l’heure de la pêche.
L’archipel de Molène constitue un système écologique très riche, tant au niveau terrestre qu’au niveau marin, avec des équilibres très subtils entre les îles, lochs, îlots et écueils, l’hydrodynamisme associé, la diversité des modes d’exposition, la végétation et la distance au continent.
Autant de caractéristiques qui font de l’archipel, une terre d’accueil idéale pour nombre d’oiseaux marins résidents et de passage. Il est fréquent d’y observer des bancs de huîtriers pie, le Cormoran Huppé, le grand gravelot, le tadorne de Belon , ces espèces protégées nichent sur l’ensemble de l’île. Bon œil, patience et approche de sioux permettent de les observer durablement.
Le cordon de galets est un milieu idéal pour certaines espèces d’oiseaux qui y nichent pour pondre leurs œufs. Aussi, est-il recommandé d’éviter de les ramasser et de marcher dessus, notamment durant la période de nidification qui s’étend de mars à août.
Balade sur le Lédénez de Quéménès
Le Lédénez de Quéménès, îlot rocheux orienté N-S relié à Quéménès par un tombolo de sable et de galets, mérite le détour pour en admirer les paysages épurés et observer l’avifaune qui y est particulièrement présente.
L’îlot peut se visiter à marée basse et il est d’ailleurs recommandé de bien vérifier les horaires et les coefficients de marée et d’adopter une démarche respectueuse des animaux. Le Ledenez abrite une jolie végétation des hauts de cordons de galets à chou marin ainsi qu’une végétation de laisse de mer sur sa partie sableuse.
Outre le Goéland argenté nicheur (96 couples en 2010) et le Goéland marin nicheur (9 couples en 2010), on peut également y observer la sterne pierregarin et la sterne naine nichent occasionnellement sur l’îlot. On dénombre 6 couples de sterne pierregarin en 2006. Le grand gravelot est un nicheur régulier sur cet îlot, qui depuis l’élimination de furets domestiques introduits sur le site en 2003, a vu ses effectifs augmenter de manière significative (1 couple en 2004, puis 2 en 2006, et jusqu’à 5 couples en 2007).
En revanche, les effectifs de grand gravelot sont en régression, une réduction qui serait liée aux activités de la ferme auberge de Quéménès qui, de par la divagation de troupeaux d’ovins et de par la fréquentation accrue, occasionne un dérangement sur cette espèce sensible.
Si les observations animalières de l’archipel sont infinies, elles sont à chaque fois différentes et dépendent de l’aptitude des visiteurs à observer et à respecter le milieu marin. Plus vous êtes immergés dans l’environnement et plus vous faîtes de rencontres et avez d’opportunités d’observer des comportements animaliers surprenants et toujours touchants.