Le sauvetage du Narcisse des GlĂ©nan, lâune des plantes les plus rares dâEurope
« Le Narcisse a besoin de lâintervention de lâhomme pour survivre »
Nathalie Delliou
Explique Nathalie Delliou, guide animatrice de Bretagne Vivante qui assure la garde de la réserve naturelle depuis plus de 20 ans.
AprĂšs avoir confiĂ© lâentretien du site Ă un troupeau de moutons puis Ă deux Ăąnes, câest finalement le tracteur qui est utilisĂ©.
Aujourdâhui, Nathalie est accompagnĂ©e par FrĂ©dĂ©ric Bioret, conservateur de la rĂ©serve depuis 2001, qui souhaite faire le point sur lâimpact des derniĂšres opĂ©rations de terrain sur la flore de lâĂźle.
« Le débroussaillement a un effet indiscutablement bénéfique pour le fleurissement du Narcisse »
Frédéric Bioret
précise le conservateur, tout en constituant un tas de mauvaises herbes qui sera ensuite brûlé,
« sans cette opĂ©ration, les ronces, les fougĂšres et les macerons risquent de lâĂ©touffer ».
Frédéric Bioret
Une fleur à la fois fragile et résistante
En 1974, il ne subsistait plus que 300Â pieds.
Depuis le premier chantier de dĂ©frichement rĂ©alisĂ© en 1985, la population de Narcisses est recensĂ©e rĂ©guliĂšrement par les bĂ©nĂ©voles de lâassociation Bretagne Vivante et les botanistes du Conservatoire Botanique National de Brest.
RemontĂ© Ă plus de 8 500 pieds fleuris en 1987, le nombre de Narcisses a atteint jusquâĂ 144 000 pieds et sâest ensuite stabilisĂ© autour de 60 000 pieds.
Malgré sa capacité à fleurir sur une ßle exposée aux éléments naturels, le Narcisse requiert une forte protection. Depuis 1997, un périmÚtre de protection est instauré autour de la réserve naturelle, au centre de Saint-Nicolas et sur les ßlots de Brunec, du Veau et de la Tombe.
Si lâinterdiction de la cueillette semble aujourdâhui Ă©vidente, Nathalie Delliou se rappelle que la mesure nâa pas Ă©tĂ© facilement acceptĂ©e au dĂ©but et a dâailleurs fait lâobjet du seul et unique PV de sa carriĂšre ! AssermentĂ©e depuis 1995, la guide a Ă©tĂ© contrainte dâadresser une amende Ă un promeneur qui avait cueilli 14 plants de Narcisses devant le groupe quâelle animait. « Il fallait montrer lâexemple pour se faire prendre au sĂ©rieux », conclut la gardienne de ces ravissantes fleurs Ă clochettes.
Préserver la flore et la faune autochtones
DâaprĂšs Nathalie Delliou, les Narcisses sont sauvĂ©s, mais lâĂ©rosion du milieu dunaire sur Saint-Nicolas demeure prĂ©occupant.
LâĂ©volution des espĂšces envahissantes introduites par des particuliers, comme celle des griffes de sorciĂšres, mĂ©rite dâĂȘtre surveillĂ©e de prĂšs.
Plan dâaction pour lutter contre les espĂšces invasives
Avec ses grosses feuilles gorgĂ©es dâeau, cette plante ornementale peut pousser jusquâĂ un mĂštre par an et a une capacitĂ© de colonisation impressionnante.
« Comme câest le cas pour de nombreuses Ăźles bretonnes et corses, les griffes de sorciĂšres peuplent certaines parties du rivage de Saint-Nicolas au dĂ©triment de la flore autochtone et de la faune qui y sont associĂ©es »,
Frédéric Bioret
explique FrĂ©dĂ©ric Bioret qui constate nĂ©anmoins avec satisfaction que les derniĂšres opĂ©rations dâarrachage menĂ©es par des Ă©quipes de bĂ©nĂ©voles, dâĂ©tudiants et de services techniques de la ville de Fouesnant ont permis de recouvrer rapidement la vĂ©gĂ©tation dâorigine.
Sur la parcelle de cĂŽte dĂ©frichĂ©e en question, on peut effectivement admirer ici et lĂ , entre les rochers couverts de lichens, quelques touffes Ă©parses de cristes-marines, dâArmĂ©rie, de silĂšne et de bettes maritimes.
Alors que le pan de pelouse marine adjacent non débroussaillé est envahi par les prolifiques griffes de sorciÚres.
« Nous avons mené une campagne de sensibilisation auprÚs des résidents amateurs de plantes exotiques qui ont finalement pris conscience de leur acte »
Nathalie Delliou
souligne avec satisfaction Nathalie pourtant prĂ©occupĂ©e par un flĂ©au bien plus menaçant pour lâarchipel, Ă savoir la montĂ©e des eaux.
« Le trait de cĂŽte a perdu deux mĂštres en quelques annĂ©es et nous pensons que le phĂ©nomĂšne est aggravĂ© par lâextraction massive des bancs de maĂ«rls. Heureusement, les extractions ont pris fin en 2012. »
Nathalie Delliou
ArrĂȘt de lâexploitation du maĂ«rl des GlĂ©nan
Importance écologique des Glénan
Les GlĂ©nan abrite lâun des gisements de maĂ«rl les plus importants dâEurope. Ce corail breton est issu de la sĂ©dimentation dâune petite algue rouge qui a mis des milliers dâannĂ©es Ă se constituer. La complexitĂ© architecturale des bancs de maĂ«rl offre une multiplicitĂ© de niches Ă©cologiques, favorisant la diversitĂ© biologique : prĂšs de 800 espĂšces animales et plus de 100 espĂšces dâalgues y vivent et sây reproduisent.
Surexploitation et protection
Naturellement riche en calcium et en magnĂ©sium, le maĂ«rl est aujourdâhui surexploitĂ©, principalement pour le traitement du lisier, lâalimentation animale et surtout pour le traitement de lâeau potable. ConsidĂ©rĂ© comme une ressource non renouvelable en raison de sa faible croissance, le maĂ«rl est aujourdâhui protĂ©gĂ© comme espĂšce par Natura 2000 et comme habitat par la Directive europĂ©enne Habitat.
Interdiction de lâexploitation
LâĂtat a dĂ©finitivement interdit lâexploitation du gisement en 2011, aprĂšs avoir octroyĂ© une derniĂšre concession aux sabliers, qui Ă©taient autorisĂ©s Ă extraire chaque annĂ©e 45 000 tonnes de maĂ«rl dans une zone de 50 hectares.
Lutte pour la protection
Un rĂ©el scandale dâaprĂšs Nathalie Delliou qui a luttĂ© depuis 1986 auprĂšs des bĂ©nĂ©voles de lâassociation Bretagne vivante, des pĂȘcheurs et des Ă©lus locaux pour faire arrĂȘter ce massacre. Elle nâa dâailleurs pas hĂ©sitĂ© Ă Ă©crire une lettre de sensibilisation aux industriels intĂ©grant le maĂ«rl dans leur processus de production. « Cela a permis de convaincre certains leaders du secteur de la cosmĂ©tique comme Daniel Jouvence par exemple dont la fondation nous soutient », prĂ©cise humblement Nathalie, inquiĂšte par les consĂ©quences de cette exploitation massive.
Ătudes sur lâimpact de lâextraction
Des Ă©tudes sur le site dâextraction des GlĂ©nan (Pinot, 1997 ; Biomaerl 1999) ont en effet montrĂ© quâen 20 ans, toutes les algues et la vie macrofaunique ont disparu des bancs exploitĂ©s, sans compter lâenvasement crĂ©Ă© tout autour qui a un impact sur les espĂšces rĂ©sidentes, comme la coquille Saint-Jacques ou la palourde rose.
Projet dâextension de la rĂ©serve naturelle Ă la mer
Forte de cette victoire pour le maĂ«rl, la gardienne des GlĂ©nan se concentre Ă prĂ©sent sur le projet dâextension de la rĂ©serve naturelle Ă la mer.
DâaprĂšs elle, ce projet permettrait de mieux aborder la gestion des activitĂ©s nautiques et de la frĂ©quentation insulaire, ainsi que lâinformation et la sensibilisation par rapport aux enjeux de conservation et de gestion.
En attendant cet aboutissement, Nathalie Delliou poursuit les actions de sensibilisation communes rĂ©alisĂ©es avec les opĂ©rateurs des sites Natura 2000 des GlĂ©nan, les collectivitĂ©s locales et le Conseil GĂ©nĂ©ral qui sâimpliquent depuis plusieurs annĂ©es pour informer le grand public et prĂ©server le patrimoine marin du FinistĂšre.