Une croisière pour aventuriers des mers du Sud
L’Aquatiki propose à ses passagers de partir à la découverte des atolls de Fakarava, Kauehi et Toau et de s’immerger au cœur de la réserve de biosphère des Tuamotu.
Embarquement pour une croisière unique sur les traces légendaires des beachcombers, trafiquants de perles et capitaines au long cours, dans l’une des régions les plus isolées de la planète. Situés entre 14°et 20° de latitude Sud et 148° et 134° de longitude Ouest, les Tuamotu se trouvent quasiment au centre de l’océan Pacifique et rassemblent 78 des 425 atolls que compte la planète !
Cap vers Tetamanu, la passe Sud de Fakarava
Le premier mouillage de la croisière se trouve aux abords de la passe de Tetamanu, dans un décor digne des plus beaux tableaux du douanier Rousseau. Une pureté sauvage émane des paysages, les teintes émeraude des motu tranchent subtilement avec les reflets opalescents du lagon dont on devine les mille et une merveilles qu’il enferme… Malgré sa gloire passée – dans les années 1950s, le village de Tetamanu comptait plus de 2000 âmes – l’ancienne capitale des Tuamotu n’a rien perdu de sa splendeur naturelle. La nature a repris ses droits parmi les ruines de la prison, du cimetière ou de la mairie. Seule l’église Maria No te Hau (Notre Dame de la paix) a résisté au temps. Construite en 1849 par des missionnaires catholiques, elle serait la première église de l’archipel à avoir accueilli des fidèles Paumotu. Son clocher coloré culmine encore aujourd’hui parmi les cimes des cocotiers. Taupiri Teanuanua, l’un des rares habitants du motu, a été chargé de diriger sa restauration et s’est brillamment acquitté de sa tâche.
La légende d’Havaiki et des Mokorea
La ferveur de Taupiri pour les légendes de Tetamanu est cependant beaucoup plus forte que sa foi catholique. Ces ancêtres, dont il garde précieusement les noms dans un cahier de généalogie, lui ont transmis le secret de la légende d’Havaiki, la mystérieuse cité souterraine qui se trouve sous le récif de Fakarava.
Taupiri nous emmène sur le platier de corail près du trou qui permettait à ses ancêtres de communiquer avec les « Mokorea », les habitants à la tête de lézard et aux longs poils qui vivaient dans cette cité… D’après la légende, une jeune femme du nom de Marerehairiki séjourna dans la cité et refit surface quelques années plus tard avec deux espèces végétales dans les mains : la fougère « maire » et l’arbre de « tamanu » qui se propagea sur le motu et en donna le nom actuel…
Imprégnés des légendes de Taupiri, nous plongeons dans la passe de Tetamanu, avides d’en découvrir les trésors cachés. Aucun « Mokorea » ne viendra nous accueillir mais tout au long de l’immersion nous aurons la sensation d’évoluer dans un royaume exceptionnel. Nous sommes tous éblouis par la richesse de la faune et par l’ambiance corallienne lumineuse…
Les silhouettes des motu flottent entre terre et mer tandis que notre bateau file avec aisance dans la légère brise du Maramu, le vent du Sud-Est local, faisant cap sur Kauehi.
Kauehi, un mouillage idéal pour l’observation des prédateurs
Cinq heures et 65 km de navigation plus loin, un chapelet d’îlots se dessine, révélant bientôt les contours circulaires de Kauehi, l’un des derniers atolls des Tuamotu découvert par le capitaine Fitzroy en 1835. Situé au Nord-Est, Teavaro est l’unique village de cet atoll de 24 km de diamètre dont les 700 habitants vivent principalement du coprah et de la perliculture. Nous jetons l’ancre sur le tombant extérieur à proximité de l’unique passe de Harikitamiro. Moins protégé que le mouillage à l’intérieur du lagon, l’endroit est néanmoins stratégique pour observer les pélagiques.
Découvrir la végétation originelle des motu
Selon les périodes, l’équipage de l’Aquatiki y admire régulièrement des requins océaniques, des espadons, des dauphins voire même des baleines et des orques ! Nous sommes seuls au milieu d’une immensité de bleu et d’un no man’s land de fossiles coralliens témoins d’un ancien niveau marin plus élevé. Seul signe de vie, la végétation dense des motus dont les branches touffues débordent sur le récif. Ici aucun cocotier ne pointe à l’horizon tandis qu’abondent les purau(hibiscus sauvage), les ka’hia de 6 mètres de hauteur, les miki-mikidont le bois rouge forme une brousse impénétrable ou les nonos dont les fruits nauséabonds ont des vertus miraculeuses… Les longues tiges luxuriantes des Pandanus s’étirent hors de la brousse, laissant apercevoir leurs fleurs mâles, les Hinano, qui dégagent un parfum océanique des plus suaves…
Kauehi, le parfum de la fleur royale
Nous nous mettons à l’eau sur le tombant gauche de la passe de Harikitamiro, dont le nom évocateur « le parfum de la fleur royale », nous promet les plus subtiles rencontres. Une raie manta nous invite justement à la suivre le long du tombant vertigineux sur lequel nous croisons plusieurs bancs de carangues mouchetées, noires et rayées… Des carangues échevelées nous frôlent de leurs filaments argentés, leur robe d’un bronze doré étincèle dans le bleu. Nous survolons une magnifique anémone pierre plantée à 16m dans le récif, puis une colonie de poissons papillons un peu plus loin à -25 m. Plusieurs familles de perroquets broutent le corail d’une pureté originelle semblable à celle de la végétation sur le motu. Un couple de raies léopard (aetobatus narinari) s’envole devant nous.
Pour la deuxième plongée, nous nous laissons entraîner avec le courant rentrant au-dessus d’un long canyon au fond duquel sommeillent des requins dormeurs (nebrius ferrugineus). Le site est très ludique offrant aux plongeurs de multiples failles, surplombs et petites grottes dans lesquelles se cachent des priacanthes, des nasons et autres mérous…
Entre arènes, fosses et canyons sous-marins
Nous croisons un banc de bécunes et découvrons une magnifique arène vide à -23 m où déambule une quinzaine de requins gris. Certains d’entre eux se reposent sur le fond face au courant de façon à capturer l’oxygène nécessaire à leur métabolisme. À la fois terrain de chasse et aire de repos, l’énorme fosse abrite une groupe de requins gris et est parfois visitée par des requins marteaux (sphyrna mokarran) et des requins pointe blanche de récif ou « tapete ».
Après avoir traversé l’arène, la palanquée s’arrête au niveau de deux petites grottes reliées entre elles par un étroit boyau tapissé de porcelaines et de petites crevettes, dont les magnifiques periclimenes soror. Ces élégants crustacés vivent en symbiose avec les coussins de requin qu’elles déparasitent en échange du gîte et du couvert. On peut également y admirer un spondyle (spondylus varius) et d’élégantes flavelines arborant leurs belles robes mauves à franges. La plongée se termine dans le lagon où nous attendent encore quelques pointes blanches du récif et du lagon (triaenodon obesus) et les habituels poissons de récifs.
Toau, royaume des cocos et des requins
Tels d’éternels nomades de la mer, nous quittons un atoll pour un autre… Devant nous, les cimes des cocotiers se précisent à mesure que le Maramu nous pousse vers Toau, où nous arrivons 8 heures plus tard toutes voiles dehors…
Rencontre avec les travailleurs de coprah
L’atoll est demeuré aussi vierge et désert que lorsque James Cook le découvrit en 1773, mais les cocoteraies en ont modifié le paysage. Implantées à la fin du 19è siècle par les Européens, elles occupent aujourd’hui 80% de la surface des motu de l’archipel et ont entraîné la disparition de centaines d’espèces indigènes. La monoculture du cocotier et la vente du coprah (noix de coco séchée servant à la fabrication du monoï) a marqué l’entrée des Paumotu dans l’économie monétaire. Une dizaine d’hommes viennent régulièrement de Fakarava sur l’atoll de Toau pour travailler le coprah. Nous en croisons cinq d’entre eux qui vivent dans des petites cabanes en bois qui leur servent d’abris pendant la récolte. Sur la plage, des rangées de noix de coco séchées et emballées dans de grandes bâches bleues sont prêtes pour l’expédition. Les hommes, qui ont produit près de 2,6 tonnes de coprah en deux semaines, attendent impatiemment le Kobiah. Le bateau est l’unique moyen de transport pour se rendre sur ce bout de terre situé à quelques miles de Fakarava. La goélette dessert l’atoll une fois par semaine pour récupérer le coprah et pour ravitailler la poignée d’habitants qui y vivent. Outre une pension de famille, une trentaine de Chinois travaillent au sein de l’unique ferme perlière de l’atoll.
Immersion dans la spectaculaire passe d’Otugi
Après cette brève rencontre, nous chaussons à nouveau nos palmes pour inspecter les passes situées au Sud-Est de l’atoll. Nous commençons par Otugi, la passe la plus large (300 m) et la plus spectaculaire. Après avoir longé le tombant extérieur du récif à -25 m, nous croisons un banc de requins gris et pointes blanches du récif et y remarquons de nombreux juvéniles. Très curieux, les jeunes prédateurs s’approchent de notre palanquée et nous accompagnent jusqu’à une série de canyons. C’est là que commence la dérive dans la passe, deux fois plus longue que celle de Kauehi et totalement dépourvue de corail. Le courant nous entraîne au-dessus de canyons qui traversent la passe à des profondeurs variant entre -20 et -8 mètres de la surface.
Vol au-dessus des canyons
Pendant le « vol », nous restons le plus près possible du fond afin de ne pas manquer les petites failles où se cachent des poissons soldats et la grande cuvette située à -16 m au milieu de la passe. Des bancs impressionnants de priacanthes et de perches couvrent le fond de la fosse et en cachent les nombreuses anfractuosités. Un, deux, trois… six requins pointe blanche du lagon ou « mamaru » se cachent sous la voûte du canyon. À notre approche, ils se faufilent en file indienne par l’issue de secours située à l’opposé. S’ensuit une partie de cache-cache entre les goulets étroits et sinueux pour tenter de tirer le portrait de l’un d’entre eux. J’atterris dans le lagon sans m’en rendre compte au milieu d’une nuée de papillons à raies rouges, au masque tatouée en noir et blanc rivalisant de beauté avec des papillons réticulés dont la livrée lilas est finement ourlée d’un ruban noir… Une tortue verte (Chelonia mydas) pioche avec gourmandise dans un bouquet d’éponges autour duquel tournoie un couple d’anges empereur arborant leurs gracieuses robes bigarrées. Un requin nourrice (nebrius ferrugineus) de 3 m escorté par 2 rémoras nous fait l’honneur d’une visite au palier. Je me rappelle que dans la symbolique maori, le requin est associé à un guide bienfaiteur du marin égaré…
Exploration de la petite passe de Fakatauna
Nous explorons la petite passe de Fakatauna en deuxième plongée et nous immergeons côté océan alors qu’un grain violent balaie la surface. Une incroyable frénésie règne sous l’eau. À quelques mètres seulement de la surface, des carangues leurre, manège et arc-en-ciel tournent dans tous les sens. De longs poissons blancs brillants appelés « poissons lait » (chanos chanos) se mêlent à cette danse de la pluie improvisée. Un superbe thon à dents-de-chien (gymnosarda unicolor) sculpté comme un nageur olympique traverse le banc. Impassibles, les poissons flûtes poursuivent leur route tandis qu’une multitude de poissons chirurgiens et cochers jouent avec les bulles… Un nuage sombre s’illumine. Les rayons solaires se reflètent sur la robe argentée d’un banc de bécunes qui passe au-dessus de nous : le grain est passé.
Plongée de nuit dans la passe
Dès la tombée de la nuit, nous arpentons à nouveau la passe de Fakatauna, dont la petite taille et l’accessibilité se prêtent parfaitement aux plongées nocturnes. Dans les faisceaux de nos phares surgissent tour à tour des pointes blanches, pointes noires et des rairas en pleine maraude. Nous surprenons un gros requin nourrice endormi au fond du canyon. Un univers de créatures nocturnes se révèle à nous dans les multiples anfractuosités du récif.
La nuit est le royaume des crustacés et des coquillages les plus variés et les plus surprenants. Notre moniteur nous indique ça et là des crabes ornés de leurs tenues de camouflage à base de morceaux d’algues, des cigales de mer, des sept-doigts, des porcelaines, des oursins diadèmes, des poulpes, des poissons pierre… Les poissons perroquets sont enrobés dans leur cocon de mucus qu’ils secrètent pour se protéger des prédateurs et pour dormir paisiblement. Nous nous attardons devant de jolies crevettes arlequins en gravitation sur les parois oranger d’une anémone. Attirée par la lumière, une murène blanche sort la tête de son refuge et se retrouve nez à nez avec les longues épines d’une acanthaster (acanthaster planci) se gavant de corail frais.
Pendant toute l’immersion, nous comptabiliserons une bonne dizaine de ces étoiles de mer connues pour leurs carnages sur les récifs. Nous tenterons en vain de trouver un triton géant (ou conque), le seul prédateur de ces créatures envahissantes. Nous remontons dans une constellation de petites lumières phosphorescentes. Des alevins de toutes sortes s’illuminent par centaines au moindre mouvement dans l’eau, se confondant à la pluie d’étoiles qui nous inondent à la surface…
Retour à Fakarava
Retour à la case départ. Nous mettons le cap sur Fakarava où une ultime immersion nous attend dans la fameuse passe de N’Garuae qui signifit « la grande bouche » en polynésien.
Avec ses 1600 mètres de long, la passe Nord de l’atoll n’a pas usurpé son nom ! Sa concentration en faune l’ont hissé au rang des plus beaux spots de plongée des Tuamotu.
Les yeux remplis par la succession incroyables de rencontres aquatiques que nous offre cette dernière plongée, nous commençons la remontée vers la surface, avec la satisfaction d’avoir profiter au maximum des fonds marins paumotu durant notre croisière.
Un banc de dauphins stenella nous rejoint pour nos toutes dernières bulles et nous accompagne jusqu’au mouillage de l’Aquatiki en jouant à l’étrave de l’annexe… Ultime présent des Tuamotu dont le bleu hypnotisant agira encore sur nous à des milliers de kilomètres. Nous quittons ce nuage d’îles, forts d’avoir vécu notre aventure des mers du sud…