Si au premier abord, ce site « carte postale » semble un peu trop fréquenté par les touristes, la vue sur le lagon annihile tout sentiment d’oppression et l’on est vite captivé par la magie des lieux, les lumières et la sérénité qui s’en dégagent.
Une harmonie mauricienne à l’ombre des filaos
Les falaises de Coin de Mire s’élèvent délicatement sur la ligne d’horizon tandis qu’une pirogue arborant ses voiles colorées se glisse dans le paysage. Les chants des fidèles qui s’échappent de temps à autres de l’église créole au toit rouge ajoutent à l’harmonie du cadre. Pendant les journées de braderie chrétienne animées par une sono tonitruante, les lieux sont moins tranquilles. Mais peu importe, on s’achète quelques samoussas et bonbons piments pour les déguster un peu plus loin sur la plage à l’ombre des filaos. En se promenant le long de la petite crique, on y rencontre une grand-mère et sa petite-fille installées sur les rochers de basaltes et affairées à nettoyer les poissons tout juste pêchés du lagon. Les rencontres avec les pêcheurs se font naturellement et simplement. Quelques minutes plus tard, nous trouvons une embarcation avec Rajoo qui nous parle de la mer et de » son lagon » avec passion. Nous faisons cap vers la barrière de corail et vers Coin de Mire.
La réserve naturelle de Coin de Mire et les paille-en-queue
Située à 8 km de la côte, l’île de Coin de Mire, apparaît comme un mirage entouré d’une eau limpide offrant d’éblouissants dégradés de vert, turquoise et bleu où il n’est pas rare de croiser des dauphins… Un banc de stenellas ou dauphins à long bec nous escorte jusqu’à notre arrivée près de l’île. Ces petits dauphins, qui mesurent en moyenne deux mètres de long pour 75 kg, vivent en groupes de 25 à 100 individus. D’après les biologistes marins de Mauritius Marine Conservation Society qui observent les cétacés depuis une quinzaine d’années, les stenella longirostris se nourrissent exclusivement de petits poissons et de calamars, et partent chasser au large en fin de journée et pendant la nuit. Ils reviennent près des côtes au petit matin pour se reposer et socialiser. Cette espèce de dauphins est réputée pour les sauts spectaculaires qui sont sa spécialité.
Nous approchons de l’île classée en réserve naturelle protégée et le spectacle offert par Dame Nature se poursuit. Coin de Mire sert de refuge pour de nombreux oiseaux marins qui nichent et pondent dans les falaises escarpées. Une horde d’oiseaux tournoient constamment au-dessus de l’île. Rajoo nous fait observer une silhouette gracieuse qui traverse délicatement le ciel bleu, il s’agit d’un paille-en-queue. « C’est l’oiseau emblématique de notre compagnie aérienne nationale » nous explique Rajoo, » on l’appelle ainsi à cause des plumes qui ressemblent à des brindilles de paille qui sortent de la base de la queue, on l’a d’ailleurs appelé paille-en-cul dans le passé ! » Nous observerons à plusieurs reprises ces magnifiques oiseaux pêcheurs effectuer de spectaculaires plongeons pour capturer des poissons.
L’étendue des massifs coraux et l’abondance de la faune témoignent de la bonne santé des fonds marins de Coin de Mire
Si le spectacle des oiseaux marins au-dessus de l’île sont captivants, les reflets colorés des coraux à travers la surface translucide de la mer sont autant d’appels à traverser le dioptre marin. Nous nous équipons de palmes, masque et tubas tandis que Rajoo nous emmène sur l’un de ses jardins secrets. Il nous propose bientôt de nous laisser dériver jusqu’au bout des falaises où il nous récupèrera une heure plus tard avec le bateau.
Les paysages sous-marins sont aussi époustouflants qu’à la surface et apparaissent comme un prolongement des falaises. La diversité et l’étendue des massifs coraux ainsi que l’abondance de la faune témoignent de la bonne santé des fonds marins de Coin de Mire, qui s’épanouissent loin du littoral surfréquenté de Maurice. Des nuées de demoiselles butinent au-dessus des sommets coralliens, tandis qu’évoluent ici et là de multiples espèces de poissons de récifs aux couleurs chatoyantes et aux formes diverses. Certains coraux sont décorés de petits spirographes multicolores, que l’on appelle à juste titre sapins de noël et qui rentrent précipitamment dans leur petite coquille à notre arrivée, créant un effet des plus scintllants. Avec un bon sens de l’observation, il est possible de repérer les têtes de jolies petites murènes qui sortent de leur refuge, telles des commères pour voir de quel remue-ménage il s’agit. Un banc de petites carangues argentées s’efface dans le bleu pour revenir quelques minutes plus tard autour de notre palanquée. Nous nous engouffrons dans des failles qui descendent en pente douce vers le fond et apercevons quelques ramifications de gorgones qui sont très denses sur certains sites de l’île, entre 20 et 30 mètres de prodondeur. Je me remémore les plongées inoubliables effectuées quelques jours plus tôt.
Des trésors insoupçonnés tels que les cônes, porcelaines et lambis…
L’île de Coin de Mire est très prisée par les plongeurs en bouteille pour ses magnifiques explorations et pour son épave, le « Djabeda », qui gît à -30 mètres de profondeur et qui vaut le détour pour la faune et flore qui l’ont colonisée. Exposé aux courants du large, le site de plongée « Carpenters » situé à la pointe Sud Est de Coin de Mire est la promesse d’une plongée trépidante et aventureuse. C’est l’occasion d’aller explorer les tunnels, les grottes et les failles sous-marines de l’île dont certaines sont littéralement tapissées de gorgones. Entre les magnifiques ramifications de ces fleurs coralliennes qui se déploient comme de grands éventails dans le courant, les rencontres avec les rougets, les fusiliers, les vivaneaux et les carangues sont fréquentes. En scrutant la paroi des gorgones, il est possible d’y dénicher des nudibranches ou encore des crevettes translucides. Très bien préservés, les massifs coralliens sont éclatants de vie et de couleurs grâce à la présence des espèces classiques de poissons de récif qui les butinent. Plus éloignés de la côte et donc moins explorés, les sites de Coin de Mire recèlent par ailleurs des trésors insoupçonnés tels que les cônes, porcelaines et lambis, qu’il ne faut bien entendu que toucher des yeux…
Les coraux mauriciens demeurent aujourd’hui menacés
Avec son lagon de 240 km2 ceinturé d’une barrière de corail quasi ininterrompue de 150 km, l’île Maurice compte une riche diversité de coraux. D’après le rapport du Global Coral Reef Monitoring Network (GCRMN), près de 160 espèces de coraux durs ont été identifiés sur 43 sites des récifs frangeants de l’île Maurice. L’état de santé des récifs coralliens est suivi depuis 1998 par le « réseau récif Commission Océan Indien », dans le cadre du réseau GCRMN qui a bénéficié d’un financement FEM / Banque mondiale et qui est actuellement soutenu par le projet « réseau des Aires Marines Protégées des pays de la COI ». Les phénomènes de blanchissement de corail qui ont eu lieu entre 2002 et 2003 ont néanmoins affecté une bonne partie du corail mauricien, même si depuis ces dernières années le récif s’est reconstitué et que l’on observe la croissance de nouveau spécimen, en particulier sur les pentes externes de la barrière. De manière générale, on constate que la couverture corallienne est stable, malgré les rejets d’effluents agricoles et domestiques qui augmentent la couverture algale, avec un arrière-plan des récifs frangeants dominé par les acroporas branchus et tabulaires. Rodrigues se distingue par sa bonne couverture corallienne et surtout sur les pentes externes, mais le platier est néanmoins affecté par des pratiques de pêche destructrices.
Les coraux mauriciens demeurent aujourd’hui menacés par les cyclones, les maladies coralliennes, les acanthasters, le blanchissement de corail et bien sûr la pression anthropique.