Des plongeurs formés au jardinage des mers pour sauver le corail en péril
Le corail, dans le sud-est des États-Unis comme en beaucoup d’endroits de la planète, est affecté par la pollution humaine. Son rôle crucial pour la biodiversité marine a poussé les chercheurs à développer des techniques de sauvegarde.
Le programme de Stephanie Schopmeyer, chercheuse à l’Université de Miami, consiste à couper l’extrémité d’une branche de corail qui est ensuite fixée à un «arbre» artificiel sous l’eau. Dans cette pépinière des mers, le morceau se développe avant d’être «repiqué» sur un récif corallien.
« On peut comparer ça à un rosier. Si vous le taillez, il va repousser plus fort, plus garni et un peu plus vivant », explique Mme Schopmeyer, dont le programme « Sauvez un récif » est l’un des nombreux à proposer aux touristes et à des groupes d’adolescents de mettre la main à la patte.
Les volontaires, comme Nicole Besemer, sont tous soucieux d’agir pour l’environnement, sachant que les coraux sont l’habitat et la source d’alimentation de nombreuses espèces de poissons, tortues, oursins,hippocampes…
« En tant qu’amatrice de plongée, je veux m’assurer que nos récifs soient aussi sains que possible », explique cette étudiante de Floride.
Clous et « biscuits »
L’expérience a aussi un caractère pédagogique pour la jeune femme qui s’étonne de voir les coraux repousser après avoir été coupés et percés de clous.
C’est en effet sous l’œil médusé des volontaires que des plongeurs expérimentés s’affairent à clouer les « biscuits » au fond de l’océan : de petits disques sur lesquels les scientifiques d’un jour devront fixer des morceaux de coraux de la taille d’un doigt.
La mission des bénévoles comprend aussi d’autres tâches, comme le nettoyage des « arbres » artificiels dans la pépinière de la baie de Biscayne, où Mme Schopmeyer les conduit par groupes d’une dizaine en bateau.
Le travail de cette main d’œuvre enthousiaste porte ses fruits
« Maintenant on atteint des échelles écologiquement significatives (…). On a pris conscience que tout dépendait du nombre (de coraux) qu’on peut faire pousser et du nombre qu’on peut réimplanter » dans leur environnement, explique Diego Lirman.
Ce professeur qui enseigne la biologie marine à l’Université de Miami a fait sa thèse il y a trente ans sur les dommages causés par les ouragans, en se focalisant sur le récif d’Elkhorn, non loin de là.
Aujourd’hui, il n’y a plus de coraux dans ce secteur, constate-t-il, amer.
Les tentatives ont été longues et laborieuses mais selon ce chercheur, le partage de savoirs avec des scientifiques du monde entier – Israël, Fidji, Indonésie ou Philippines – a permis d’élaborer des méthodes efficaces pour sauvegarder les coraux.
50 000 coraux en gestation
La surpêche, le dragage des fonds marins, les fortes intempéries ou encore l’acidification des océans sont les grandes menaces pesant sur les récifs, qui se voient privés de sources de lumière, de protection ou encore de nourriture.
Bien qu’ils aient l’aspect de plantes ou de petits rochers, les coraux sont des animaux très fragiles, appartenant à la même famille que les méduses ou les anémones. Ils se reproduisent en relâchant dans l’eau œufs et spermatozoïdes.
En Floride et dans les Caraïbes, la majeure partie du travail de sauvegarde est assurée par la Fondation de restauration du corail (CRF), qui s’appuie sur une dizaine de salariés et une armée de bénévoles.
C’est le Recovery Act, initié par la Maison Blanche pour relancer l’économie après la crise financière de 2008, qui a dans un premier temps permis d’allouer à la CRF et l’Université de Miami l’essentiel des financements nécessaires pour ce travail.
Mais les dons ont également afflué, si bien que « nous atteignons aujourd’hui un stade de croissance explosif », explique Ken Nedimyer, président de la CRF.
La Fondation dispose désormais de 500 « arbres » artificiels en Floride, permettant de faire pousser entre 40 et 50 000 coraux en même temps, explique-t-il.
Dès l’âge de 14 ans, il est possible d’assister la CRF dans sa vaste tâche, après avoir suivi les leçons d’un moniteur de plongée spécialisé.
« C’est bien plus difficile que ça n’en a l’air quand on est sur la terre ferme », explique une monitrice, Patti Gross.
Mais « c’est véritablement gratifiant au bout du compte », assure-t-elle, après avoir formé quelque 250 personnes à ce très spécial jardinage des mers.