Le catamaran de l’Ifremer « L’Europe », parti mardi de la base de La Seyne, va sillonner jusqu’en octobre quelque 1100 milles nautiques sur la mer Tyrrhénienne entre les petites îles Tavalora, Cavoli, Pantelleria, Favignana, puis l’archipel Toscan et enfin la Corse.
La température en Méditerranée a augmenté au cours des trente dernières années
« Plus qu’un caillou, mais de 1 000 hectares maximum » – les îles constituent « de très bons territoires-écoles pour gérer et suivre la biodiversité (…), d’excellents laboratoires du vivant et d’excellentes sentinelles des changements globaux », résume-t-on du côté de l’Ifremer : « au-dessus de 1 000 hectares, on a observé qu’en général il commence à y avoir des routes, ce qui perturbe la biodiversité ».
L’objectif : mesurer l’impact du réchauffement climatique sur la biodiversité en Méditerranée. « On estime à environ 2°C l’augmentation de la température en Méditerranée au cours des trente dernières années, soit une augmentation annuelle de 0,06°C », a expliqué à la presse Bruno Andral, chef de mission de la campagne Medbionet.
« La Méditerranée est une des 25 à 30 zones dans le monde dans lesquelles la biodiversité est d’une énorme richesse mais où elle subit d’énormes pressions, urbanistiques, touristiques et liées au réchauffement climatique », résume Fabrice Bernard, du Conservatoire du Littoral.
L’Ifremer, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et le conservatoire du littoral, trois établissements publics français, sont à l’origine de cette initiative pluridisciplinaire, baptisée Medbionet. « On constate qu’il existe peu d’observatoire capitalisant sur les mêmes sites, des informations sur les conditions marines et côtières et la biodiversité », estime Bruno Andral. « L’objectif de cette campagne est d’initier une mise en réseau de données d’observation ».
Créer un lien entre l’étude scientifique et les méthodes pour faire face aux problèmes rencontrés
À bord du catamaran, une multitude d’instruments scientifiques pour prélever du zooplancton et du phyloplancton, opérer des mesures hydrologiques en continu, mettre à l’eau des sondes ou mesurer la température et la salinité de l’eau. Des caméras rotatives, qui enregistrent automatiquement, seront également déployées pour étudier la faune – une méthode « non intrusive », se félicite Bruno Andral, chef de la mission pour l’Ifremer.
« Aujourd’hui, les actions sur le changement climatique sont très difficilement directes, elles sont plutôt indirectes », avance Pierre Boissery, évoquant le cas de la posidonie, une plante aquatique qui joue notamment un rôle dans la protection du littoral en « encaissant » par exemple depuis le fond de la mer une partie des remous générés pas la houle ou les tempêtes. En expliquant leur rôle et en poussant à la protéger, les scientifiques espèrent ainsi contribuer à améliorer la protection des littoraux dans des zones menacées.
« Il faut travailler sur ce genre de pistes-là parce qu’on est pas capable de changer le modèle industriel de la Chine ou des Etats-Unis », poursuit-il. « L’un des intérêts de ces travaux à petite échelle, c’est aussi qu’on réussit assez vite à travailler avec les acteurs locaux », souligne-t-il également : « La philosophie de notre démarche, c’est de faire un lien entre l’étude scientifique et les méthodes pour faire face aux problèmes rencontrés ».
L’enjeu est de taille. Les experts prévoient que 80% de la population des pays du bassin méditerranéen, soit près de 600 millions d’habitants, vivra sur la frange littorale à l’horizon 2025.