Requins bouledogues et tigres autorisés à la pêche au sein même de la réserve !
Le préfet de la Réunion a pris un arrêté le 16 février 2016 – contre l’avis de son conseil scientifique et sans consultation publique – autorisant la pêche aux requins dans les zones de protection renforcées de la Réserve Nationale Marine de La Réunion (RNMR). Alors que des filets anti-requins – particulièrement onéreux et financés par les deniers publiques – ont été posés pour sécuriser les spots de surf et baignade affectés, le programme de pêche aux requins s’intensifie sans aucune justification donnée… Les requins bouledogues et tigres peuvent donc être pêchés au sein même de la réserve dans les secteurs de La Ravine de Trois Bassins, de Boucan Canot et du Cap La Houssaye par les prestataires désignés par le Comité Régional des Pêches dans le cadre du programme Caprequins2 (Programme expérimental de gestion du risque par la capture ciblée de requins côtiers).
Comme le fait remarquer François Sarano, fondateur de l’association Longitude 181 Nature, «cet arrêté est illégal, sans consultation publique pourtant obligatoire au titre de l’article L.120-1 du Code de l’Environnement. Bien au delà, de l’illégalité de cette décision, prise contre tous les avis scientifiques, nous rappelons que l’Etat finance massivement depuis 2 ans un programme de destruction de tous les requins qui s’approchent de l’île de la Réunion, quitte à les attirer avec des palangres bien appâtées.»
Un programme méprisable et indigne de la France, hôte de la COP21, dont le Sénat vient pourtant de valider un projet de loi Biodiversité ambitieux dont l’objectif est de mieux concilier activités humaines et biodiversité. On peut d’ailleurs se rendre sur le site du gouvernement, pour apprécier le texte qui propose, «en harmonie avec les activités humaines, de créer des zones en mer ou dans les fleuves qui protègent le cycle biologique de certaines espèces de poissons. En effet, du bon état de certaines zones dépend celui de la biodiversité marine. La préservation du milieu marin dans toutes ses composantes aura une place privilégiée dans la future Agence nationale pour la biodiversité…»
La décision du préfet de la Réunion va à l’encontre de cette direction annoncée par le gouvernement et montre au monde entier comment la France gère la problématique requins.
S’attaquer aux vrais problèmes comme la pollution par les eaux douces
Les requins sont de bons «boucs-émissaires» qui ne protestent pas et leur abattage est certainement plus simple que de s’attaquer aux vrais problèmes comme les apports d’eau douce chargés en nutriments et polluants divers. Dans les résultats du programme CHARC mené par l’IRD, la présence de bouledogues soulignée face aux embouchures de ravines peut s’expliquer par les apports d’eau douce et ce qu’elles transportent. La pollution par les eaux douces pourrait être une hypothèse sérieuse à la recrudescence d’attaques de requin.
Pour Philippe Mespoulhé, Docteur des Universités en biologie marine, qui étudie depuis de nombreuses années les interactions des requins avec l’homme, «les causes d’une attaque sur l’homme sont évidemment multifactorielles. Un facteur dont personne ne parle est la houle australe (chère aux surfeurs l’hiver) qui racle littéralement les fonds entourant notre ile à plus de 150 mètres de fond, chamboulant des mois de sédimentation terrigènes et organiques, «mémoire des exactions polluantes» de l’Homme, finissant de mettre en éveil tous les sens du requin jusqu’en surface.
Par ailleurs, il est également souligné que les déséquilibres introduits par la pêche des requins associés aux récifs et leur quasi disparition serait une autre cause de la présence accrue des requins bouledogue et tigre. C’est bien dans ce sens qu’un arrêté préfectoral a été pris sous l‘impulsion du CRPMEM pour interdire la pêche de 5 espèces de requins de récifs.
Seule la restauration des équilibres écologiques au sein des récifs coralliens permettra de résoudre durablement la crise requin. Si la réserve marine est l’outil mis en place pour atteindre cet objectif, c’est donc en renforçant ses actions et non en exterminant des espèces que l’on avancera.