La France figure parmi les dix pays au monde abritant le plus d’espèces vivantes mais occupe le sixième rang mondial pour les espèces les plus menacées
Après 4 ans de débats entre gouvernement, députés et sénateurs, sous la pression des lobbys de l’agrochimie, de l’agriculture intensive, des chasseurs ou encore de la pêche industrielle, le texte de la loi de la Biodiversité a enfin été adopté le 21 juillet dernier. Il était temps : deuxième espace maritime au monde, la France qui figure parmi les dix pays au monde abritant le plus d’espèces vivantes, grâce notamment aux territoires d’Outremer, occupe aussi le sixième rang mondial pour les espèces les plus menacées.
Les associations de défense de l’environnement se réjouissent dans l’ensemble du maintien du chapitre sur le préjudice écologique. Mais pour le reste, c’est une longue liste de renoncements qui s’annonce telle la décision d’interdire les pesticides de la famille des néonicotinoïdes qui est abandonnée, comme la taxe sur l’huile de palme ou encore le droit d’entamer une procédure en justice dans le but de défendre la nature qui est limité à certains acteurs…
En revanche, l’inscription du préjudice écologique dans le Code civil constitue un pas en avant, dans le sillage de la jurisprudence née de la catastrophe due au naufrage du pétrolier Erika de Total en 1999 au large de la Bretagne. Ce préjudice écologique reprend l’idée d’une remise en état du milieu dégradé par celui qui en est jugé responsable, selon le principe du «pollueur-payeur». Si une telle réparation en nature est impossible, des dommages et intérêts pourront être versés dans certains cas. Le délai de prescription sera de dix ans, à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice.
La loi instaure par ailleurs des zones de conservation halieutique permettant de protéger des zones importantes pour la ressource (frayères, couloirs de migration…). Mais elle permet aux comités des pêches d’être gestionnaires de réserves naturelles ayant une partie maritime – ce qu’a activement défendu le gouvernement alors que cette mesure instaure un conflit d’intérêts, les comités des pêches étant des organismes professionnels ayant comme mission première de défendre les intérêts de la pêche professionnelle.
Le dispositif anti collision de type Repcet obligatoire à bord des navires
La loi permet aussi une belle avancée, soutenue par le gouvernement et les deux assemblées, dans la protection des mammifères marins en rendant obligatoire un dispositif anticollision de type repcet ( qui a largement fait ses preuves ) à bord des navires croisant dans les sanctuaires Pélagos et Agoa, les collisions étant l’une des premières causes de mortalité non naturelle des cétacés.
Elle clarifie le régime d’opposabilité des documents stratégiques de façade (métropole) et des documents stratégiques de bassin maritime (outre-mer). Elle interdit enfin les plastiques dans les cotons-tiges et les produits cosmétiques et d’entretien et propose de nouveaux outils dont l’encadrement des activités humaines sur le plateau continental, la gestion des eaux de ballast des navires entrant dans les eaux françaises et l’extension du statut de protection des espèces en mer.
L’Agence française de la biodiversité, censée être le bras armé de la politique environnementale du gouvernement, se retrouve comme une coquille vide. «Disons-le, c’est un cache-misère», lâche Francis Combrouze, de la CGT-environnement. «L’agence se retrouve avec des missions ambitieuses, mais des moyens très faibles.» 1080 emplois à temps plein pour gérer les 25 parcs marins, assurer la police de l’environnement, mettre en place sur tout le territoire des politiques écologiques. «Trop peu», estime le syndicaliste, qui demande 2 000 postes. En cause, le refus de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) de se fondre dans cette nouvelle structure, «inutile» à ses yeux, et la politique d’austérité menée par l’État.
Innover sans piller les ressources génétiques
Rendre à la nature ce qu’elle nous offre. Tel est un peu le credo de ce second aspect de la loi qui concerne les ressources génétiques. Si une société commerciale exploite une molécule – issue de la recherche sur des plantes, des animaux, des bactéries – et que son exploitation lui permet de développer un marché commercial, elle fera bénéficier le territoire d’une partie des avantages : d’abord en nature (formation, études scientifiques gratuites, recrutements, etc.), mais aussi parfois financièrement, dans la limite d’un plafond. Les secteurs cosmétiques, agroalimentaires et pharmaceutiques sont particulièrement concernés. Ce système de partage est déjà à l’œuvre depuis quelques années en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans le parc amazonien de Guyane. Les enjeux sont importants puisqu’on estime que 25 à 50% des médicaments dans le monde sont issus de ressources génétiques.
Une étape importante est franchie aujourd’hui grâce aux nouveaux cadres et outils fournis par cette loi sur la biodiversité. Mais il reste encore beaucoup à faire pour reconquérir la biodiversité, la nature et les paysages.
Sources : Agence française de Biodiversité