« Les partisans des Aires Marines Protégées (AMP) font croire qu’elles sont la seule solution aux défis auxquels les océans sont confrontés », remarque Magnus Johnson dans son article « Et si on enlevait le « p » d’aires marines protégées ? ». Mais dans la plupart des zones de pêche autour du Royaume-Uni, les fonds sont constitués de sédiments mous. Et il n’est pas dit qu’interdire le chalut sur ces habitats améliore les stocks de poissons. En fait, pour certaines espèces comme les langoustines, un chalutage répété semble améliorer les stocks.
L’efficacité de l’action publique des Aires Marines Protégées remise en cause
Le maître de conférences en biologie marine de l’environnement à l’université de Hull (Angleterre) remet en cause l’efficacité de l’action publique des Aires Marines Protégées et dénonce les difficultés pour mener des réformes susceptibles d’améliorer la gestion des espaces protégés, la tendance à une « privatisation » des Aires Marines Protégées (AMP) par des institutions extérieures et enfin la déstabilisation par le marché qui menacent l’avenir des Aires Marines Protégées (AMP) et des populations de pêcheurs locaux.
En Écosse, des plans pour doubler les surfaces des aires marines protégées ont été annoncées, prévoyant d’inclure 11 nouvelles Aires Marines Protégées (AMP) et 9 zones spéciales de conservation. Si les ONG environnementales s’en réjouissent, les pêcheurs sont particulièrement touchés par l’exclusion des zones de pêche qu’ils occupent depuis des générations, alors qu’ils sont déjà confrontés à une série de réglementations complexes leur imposant ce qu’ils doivent pêcher.
Un abus du principe de précaution
D’après Magnus Johnson, en Australie où l’étendues des Aires Marines Protégées (AMP) est immense, des études récentes montrent que le gain de productivité des pêcheurs est bien inférieur à celui escompté par les conservateurs. Le maître de conférence y voit un abus du principe de précaution. « (…) Si nous protégeons trop nos océans, comme l’Australie, nous exporterons notre impact environnemental sur d’autres pays qui ont une gestion moins rigoureuse. Cela augmentera les distances pour la nourriture et notre dépendance d’aliments tels que le saumon d’élevage et la viande, dont la production est potentiellement plus dommageable à l’environnement. »
Tendance à la privatisation des Aires Marines Protégées (AMP)
Magnus Johnson cite plusieurs exemples au niveau mondial où le développement des Aires Marines Protégées peut ne rien avoir à faire, ou très peu, avec l’idée de conservation. Dans le cas de l’archipel des Chagos, dans l’Océan Indien, les Chagossiens ont été chassés de leurs îles qui sont maintenant devenues une base navale et aérienne des Etats-Unis. Alors que les Mauriciens pêchaient traditionnellement dans les eaux autour des Chagos, seuls les yachts des riches peuvent y naviguer aujourd’hui. Sur les côtes de Californie, les Aires Marines Protégées (AMP) ont, soit reçu une aide financière des compagnies pétrolières (266 millions $ sur 10 ans), soit ces compagnies s’y sont opposées en fonction des intérêts des entreprises. Certaines Aires Marines Protégées établies dans cette région n’ont pas respecté les droits des populations indigènes de pêcher et de faire la cueillette pour leur nourriture, mais ont autorisé l’aquaculture industrielle, l’exploration et l’exploitation du pétrole, la pollution et la fracturation. Aux Seychelles, des Aires Marines Protégées financées par l’étranger ont été développées, excluant les pêcheurs locaux des zones exploitées traditionnellement, alors que les stocks de thons peuvent y être pêchés par des flottes étrangères grâce à des droits de pêche financés par l’Union Européenne.
Texte complet de Magnus Johnson
Aires Marines Protégées (AMP) : un outil juridique efficace dont la durabilité et la gouvernance varient selon les pays
Le concept d’AMP s’est développé à partir des années 1970 à la faveur d’une prise de conscience par la communauté internationale des destructions engendrées par les activités humaines et de leurs conséquences parfois irréversibles sur l’environnement. Le droit international, d’influence occidentale, a toujours constitué la « base légale » de la création et de l’évolution des Aires Marines Protégées (AMP). Dès les années 1990, de nouvelles notions juridico-politiques apparaissent : les notions de durabilité et de gouvernance qui vont intégrer de nouvelles priorités dans les objectifs des Aires Marines Protégées (AMP) et les conditions de leur mise en œuvre, notamment à travers la démarche participative et les mouvements de décentralisation. La construction des AMP en tant qu’outil juridique et administratif, obéit à la dialectique des politiques publiques. Cependant, l’applicabilité juridique de ces systèmes est très variable selon les pays…