Bastion des vergers provençaux traditionnels
Mi-sauvage, mi-cultivée, Porquerolles présente une mosaïque de paysages provençaux façonnés au fil des siècles par les activités de ses habitants. Des sites magnifiques qui abritent un trésor patrimonial exceptionnel : un verger composé de plus de 700 variétés d’arbres fruitiers !
Résister contre l’uniformisation des étals
Une collection unique en son genre qui comprend de nombreuses variétés dites de « terroir » que l’on ne trouve plus sur le continent depuis l’arrivée de l’agriculture industrielle : plus de 290 variétés d’oliviers, représentatifs du patrimoine oléicole français, italien et espagnol, 300 variétés de figuiers provenant de tout le bassin méditerranéen, 50 variétés de mûriers provenant du monde entier, plus de 200 variétés locales de pêchers issues de Provence et de la Vallée du Rhône, plus de 60 variétés d’abricotiers et plus de 22 variétés d’amandiers !
Véritable bastion des vergers provençaux traditionnels, le Conservatoire a pour mission de sauvegarder les variétés fruitières de Méditerranée. À sa tête, Jean-Paul Roger, résistant invétéré contre l’uniformisation des étals des supermarchés. « Avec la destruction des habitats et l’arrivée de l’agriculture industrielle, jamais autant d’espèces n’ont disparu que depuis ces 50 dernières années », déplore l’ingénieur agricole, « les cultivars à haut rendement ont supplanté les variétés locales. Résultat, toutes les variétés se ressemblent et les fruits n’ont plus de goût » et de nous énumérer les cinq qualités recherchées aujourd’hui pour la vente des fruits en supermarché : la coloration avant maturité, le gros calibre, la précocité, une production annuelle et la résistance aux manipulations et au transport. « Ici, nous avons justement de tout : du gros, du précoce, du petit, du jaune, du sucré, du rouge, du tardif… La diversité c’est la vie ! »
Reconstituer le verger traditionnel du pépé provençal
Depuis son arrivé à Porquerolles en 1978, un an avant la création du conservatoire, cet ingénieur agricole, en charge de la gestion du domaine agricole et des collections variétales, s’est impliqué sans compter avec un but en tête : reconstituer le verger traditionnel du pépé provençal « où l’on trouvait de tout » afin d’empêcher la disparition des variétés anciennes et rustiques, patrimoine du terroir régional et national. Pendant plus de 20 ans, il a sillonné les campagnes provençales les plus isolées pour chercher des variétés fruitières locales oubliées. Un véritable travail d’enquête. « On se renseignait auprès des mairies et on frappait aux portes des doyens des villages pour récolter des informations. On a interrogé ainsi des centaines de paysans âgés… » Ces boutures venues des quatre coins de la Provence ont été greffées et s’épanouissent encore aujourd’hui sur les terres de Porquerolles qui abrite ainsi une collection nationale de référence.
Pour les découvrir, l’idéal est de se perdre dans le verger en compagnie de Jean-Paul Roger. Accompagné des cigales, il chante les noms pittoresques et poétiques de ces variétés oubliées qui fleurent bon la campagne d’antan et le savoir-vivre rustique… « Ici, vous avez la figue d’automne, la meilleure et la plus émouvante avec sa larme qui coule ; là, c’est la grise de Beaucaire et plus loin dans le quartier des pêches, la sanguine de Manosque, le téton de Vénus et la grosse mignonne, des variétés savoureuses qui ont du caractère… »
La lutte biologique fait ses preuves
Depuis un siècle, près des trois quarts des plantes cultivées en France ont disparu. « À chaque fois, ce sont des gènes qui disparaissent à jamais et dont on n’a pas assez mesuré l’importance pour l’équilibre de la nature. Notre rôle est justement de maintenir la base génétique la plus large possible en vue de satisfaire des besoins futurs souvent bien difficiles à prévoir, mais qui ne manqueront pas de se faire jour » anticipe Jean-Paul Roger. Les collections variétales de Porquerolles constituent donc un réservoir de gènes d’adaptation aux aléas du milieu, à des conditions de culture, couleurs, parfums, saveurs et autres particularités.
Vers une agriculture durable sans traitement chimique
L’intérêt des variétés anciennes réside également dans leur capacité naturelle de résistance aux parasites ou aux maladies « chacune dispose d’un gène de tolérance à différents insectes ce qui permettait dans le temps de se passer de traitement chimique ! » Depuis quinze ans, l’équipe du Conservatoire expérimente la lutte biologique pour aller dans le sens de l’agriculture durable, sans traitement chimique. En introduisant des gènes de rusticité dans une espèce sensible aux maladies, mais appréciée pour son calibre et son goût, on parvient à créer des hybrides qui allient les qualités des deux géniteurs. Contre les parasites de l’olivier, l’équipe utilise leurs ennemis naturels et favorise leur présence de façon à les éradiquer… Si ces techniques de cultures prennent du temps pour la mise en place, leur efficacité est néanmoins reconnue et durable.
Une banque de semences unique
Chaque année, les personnels de l’établissement avec la collaboration de scientifiques de l’institut national pour la recherche agronomique (INRA) ou du muséum national d’histoire naturelle (MNHN) récoltent des milliers de graines dans le milieu naturel. Une fois triées et nettoyées, ces semences sont précieusement conservées au froid ou mises en multiplication. À Porquerolles, chaque provenance de plante en conservation est répartie en plusieurs lots de semences, selon les procédés les plus modernes : près de 4 800 lots en chambre froide à 5 °C et plus de 3 350 lots en congélateur à -25 °C. Quant aux espèces les plus rares ou les plus menacées, elles sont lyophilisées.
Complémentarité entre conservation in situ et ex-situ
Environ 2000 espèces sont ainsi conservées, avec plusieurs provenances différentes pour la plupart. Étudiées sous toutes les coutures, elles servent également de réintroduction dans le milieu naturel. D’après Jean-Paul Roger, la conservation ex-situ est tout à fait complémentaire de celle in situ. À titre d’exemple, l’ingénieur agricole nous cite les restaurations de cordons dunaires dégradés par la surfréquentation sur la commune d’Hyères qui ont été réalisées après multiplication de plantes indigènes rares de ces milieux.