En seconde lecture du projet de loi sur la biodiversité, l’Assemblée nationale a rejeté jeudi soir l’interdiction du chalutage en eaux profondes, dénoncée par le secteur de la pêche.
Les députés avaient voté, lors de la deuxième lecture du texte en commission et à l’initiative de l’UDI Bertrand Pancher, un amendement visant l’interdiction du chalutage en eaux profondes et renvoyant à un décret le soin de le définir.
Un immense malentendu récusé par le gouvernement sur l’éventuelle volonté d’interdire totalement le chalutage
Mais ce vote des députés avait suscité un appel, notamment du Comité régional des pêches de Bretagne, à des blocages symboliques des ports de pêche pour protester contre «la menace d’une interdiction totale du chalutage, soit la disparition de toute une filière économique».
Disant avoir «entendu l’émotion» suscitée, la secrétaire d’État à la Biodiversité, l’écologiste Barbara Pompili, a tenu à récuser «un immense malentendu» sur une éventuelle volonté «d’interdire le chalutage». «Le gouvernement, jamais, au grand jamais, ne voudrait mettre en difficulté ses pêcheurs».
Dans sa version initiale, l’article indique que les conditions de l’application seront définies «par décret en Conseil d’État». A première vue, cela semble en effet flou. Mais dans les faits, il existe un consensus pour n’interdire la pêche en eaux profondes qu’à partir de 800 mètres, ce qui exclut la majorité des pratiques de chalutage.
Cette pratique de pêche en eaux profondes est d’ailleurs «peu génératrice d’emplois directs» : entre «44 et 112 marins» à temps plein, plaidait le député centriste Bertrand Pancher. Intermarché, principal acteur avec ScaPêche, s’est engagé à «remonter ses filets à 900 mètres» en 2014, et les autres enseignes de supermarchés ont entrepris de répondre à une «forte mobilisation citoyenne», selon l’élu.
Une mesure symbolique mais cruciale pour l’avenir des océans
S’il s’agit à prioris d’une mesure symbolique, elle est très importante car si la pêche en eaux profondes reste marginale aujourd’hui, qui peut prévoir de quoi demain sera fait ? Cette disposition permet de sanctuariser les profondeurs, qui constituent un milieu riche mais très fragile.
La pêche en eaux profondes affecte des espèces comme le grenadier de roche ou la lingue bleue, classées comme vulnérables ou menacées par l’Union internationale de conservation de la nature. D’après l’Ifremer, «l’inconvénient majeur du chalut de fond est le manque de sélectivité. Car cet engin, constitué d’un filet remorqué par un navire, capture simultanément plusieurs espèces de dimensions et de morphologie différentes. Même s’il ne pénètre pas le sédiment, il détériore les habitats et les organismes posés sur le fond.»
Le chalutage profond est reconnu par de nombreux scientifiques comme une technique de pêche destructrice qui engendre quelque 20 à 40% de prises accessoires, non désirées. Or beaucoup de poissons d’eaux profondes mettent des années à parvenir à maturité pour se reproduire et sont particulièrement menacés, à l’instar des requins d’eau profonde.
En 2015, des chercheurs de l’université de Glasgow ont montré que plus la pêche est profonde, plus elle cause de dégâts, sans gains économiques significatifs. Ils préconisent donc une interdiction du chalutage au-delà de 600 mètres. En 2013, plus de 300 chercheurs ont signé une pétition en ce sens, relayée par l’association Bloom.