La rencontre avec les otaries est l’un des temps forts de la croisiĂšre sur le Doubtful Sound
Les otaries Ă fourrure sont Ă©parpillĂ©es sur les Ăźlots de Nee, Ă l’embouchure du Doubtful Sound et de la mer de Tasman. Un lieu idĂ©al pour se protĂ©ger des grands prĂ©dateurs maraudant en mer de Tasman et pour se nourrir des espĂšces de poissons foisonnant dans ces eaux mi-douces mi-salĂ©es. Ces Ăźlots furent baptisĂ©s du nom de Luis Nee, botaniste membre de lâexpĂ©dition espagnole menĂ©e par le capitaine Malaspina, qui explora pour la premiĂšre fois les abords extĂ©rieurs de Doubtful Sound.
La chasse aux otaries amena la population au bord de l’extinction
C’est Ă cette Ă©poque, au dĂ©but des annĂ©es 1800, que commença la terrible chasse aux otaries, dĂ©cimant le Fiorland de ces mammifĂšres prisĂ©s pour leur graisse et leur fourrure. Des centaines de milliers d’animaux ont ainsi pĂ©ri entre les mains des chasseurs. Une base fut Ă©tablit sur l’Ăźle de Secretary Ă proximitĂ© des colonies des Ăźles de Nee et Shelter.
Deux siĂšcles plus tard, le site abrite encore la plus grande colonie dâotaries Ă fourrure de Fiordland dont il ne reste malheureusement plus qu’une infime partie. Le gouvernement nĂ©o-zĂ©landais mis en place in extrĂ©mis les premiĂšres mesures de conservation de lâespĂšce qui Ă©tait au bord de l’extinction en 1875. Il fallut attendre le 30 Septembre 1946 pour obtenir la fermeture dĂ©finitive de la saison de la chasse et pour que lâotarie Ă fourrure de Nouvelle-ZĂ©lande obtienne enfin une protection durable.
Tentant de chasser ces images de massacre, nous contemplons les mammifĂšres qui se prĂ©lassent paisiblement sur les rochers de schiste noir…
Exceptionnelles interactions avec les otaries
On reconnaĂźt aisĂ©ment les otaries Ă leur Ă©paisse fourrure, leurs longues moustaches et leurs petites oreilles pointues – « otarion » signifiant petites oreilles en grec . Un signe distinctif par rapport aux phoques dont les oreilles sont internes. Si leur double fourrure est bienvenue durant lâhiver, cette protection devient encombrante lors des jours de chaleur. Ce qui explique entre autres que lâon observe souvent les otaries endormies sur des rochers humides plutĂŽt que sur des plages de sable comme le font les lions de mer par exemple. Moins massives que les lions de mer, les otaries font pourtant partie de la mĂȘme famille des otariidĂ©s.
Partie de cache-cache avec les otaries au milieu des kelps
Une nage avec les otaries figure au programme de notre croisiĂšre et nous sommes impatients d’enfiler nos palmes, masques et tuba. Briefing de rigueur avant l’immersion par notre skipper et plongeur Lance Shaw. D’aprĂšs lui, lâapproche discrĂšte du mammifĂšre est la clef de la rencontre.  » Il faut palmer trĂšs lentement et attendre que le mammifĂšre vienne vers vous. Sâil ne se dĂ©place pas, inutile dâinsister, câest que ce nâest pas le bon moment.  »  Il ne faut pas oublier quâil sâagit dâune rencontre avec un animal sauvageâŠ
A peine immergĂ©s, nous nous retrouvons dans une eau couleur ice-tea due au tanin dĂ©posĂ© par les pluies intenses qui transportent les dĂ©compositions vĂ©gĂ©tales de la forĂȘt tropicale. Nous Ă©voluons tranquillement dans un magnifique dĂ©cor sauvage composĂ© de rochers et de forĂȘts de kelps balayĂ©es par le lĂ©ger ressac qui abritent de nombreuses espĂšces de poissons peu farouches. En fouinant sous les algues et entre les petites failles rocheuses, nous nous retrouvons face Ă un bataillon de langoustes dressant leurs antennes comme prĂȘtent Ă l’assault… En revenant vers la surface, me voici presque nez Ă nez avec une otarie juvĂ©nile qui devait m’observer depuis un moment ! Je n’ose pas faire un geste et savoure cet ultime moment ; elle me fixe de ses grands yeux globuleux et la voilĂ qui disparaĂźt pour ressurgir quelques secondes plus tard derriĂšre moi. Je fais signe Ă mon binĂŽme, et aprĂšs quelques lĂ©gers coups de palmes, nous nous approchons d’une sorte de talus bordĂ© de longues algues brunes au travers desquelles apparaissent subrepticement deux otaries. Que le spectacle commence ! Les otaries Ă fourrure de Nouvelle-ZĂ©lande (Arctocephalus forsteri) sont des mammifĂšres marins particuliĂšrement Ă l’aise dans l’eau et nous aurons moults occasion de le vĂ©rifier…
Des mammifÚres marins aussi agiles que facétieux
Nous sommes admiratifs de leur incroyable agilitĂ© sous l’eau et de leur facultĂ© Ă changer de direction aussi rapidement que Speedy Gonzalez, la souris la plus rapide du Mexique… Une facultĂ© qu’elles doivent Ă leur corps trĂšs souple et flexible et Ă leurs membres antĂ©rieurs formant d’excellentes palettes natatoires. Contrairement aux phoques qui pratiquent une nage ondulĂ©e, les otaries utilisent tout leur corps pour Ă©voluer dans l’eau et notamment ces longues palettes natatoires qui leur permet de voler sous l’eau… Nous sommes en plein dessin animĂ© !
Peu farouche, les deux juvĂ©niles viennent nous rendre visite, n’hĂ©sitant pas Ă nous frĂŽler pour notre plus grande joie. Je me rappelle des conseils de Lance  » MĂȘme si c’est trĂšs tentant ne les touchez pas ; il faut Ă©viter de les perturber et surtout on ne peut pas prĂ©voir leur rĂ©action « . A la surface, se prĂ©lassant sur les rochers rĂ©chauffĂ©s par le soleil, quelques adultes semblent surveiller nos parties de cache-cache. Nous nous positionnons Ă la frontiĂšre d’un petit talus dans deux mĂštres d’eau de profondeur. Les deux otaries seront les seules du groupe Ă nous approcher ; notre prĂ©sence semble les amuser, les voici Ă nouveau fusant comme un bolide, virevoltant devant nous, Ă©voluant en rase-mottes, jouant ensemble en s’agrippant l’une Ă l’autre. Hilares, nous devons nĂ©anmoins mettre fin Ă l’interaction selon la rĂ©glementation en vigueur afin de laisser assez d’Ă©nergie Ă nos compagnons aquatiques pour aller pĂȘcher la nuit. Ils ont d’autant plus besoin de force que leurs proies, exploitĂ©es par les flottes industrielles, se font rares…
De retour Ă bord, nous observons les otaries depuis le bateau et remarquons qu’elles se dĂ©placent Ă©galement avec aisance sur la terre ferme, contrairement aux phoques. Comme de nombreux mammifĂšres marins, les otaries sont un exemple de retour Ă la vie aquatique et ont un ancĂȘtre terrestre qui remonterait entre 20 Ă 24 milions d’annĂ©es.
Respect du rythme quotidien et des migrations saisonniĂšres
Comme c’est la rĂšgle chez les pinnipĂšdes, les otaries sont polygames : un seul mĂąle dominant fĂ©conde plusieurs femelles, jusqu’Ă une dizaine !
Les mĂąles arrivent les premiers en octobre et en novembre pour Ă©tablir leur territoire quâils dĂ©fendent avec acharnement, dont les cris rauques sont caractĂ©ritstiques. Ils sont suivis un mois plus tard par les femelles qui arrivent pour la mise-bas. PrĂšs de 10 jours aprĂšs la naissance de petits, les mĂšres sâaccouplent avec le chef du harem. Les mĂąles adultes retournent Ă la mer Ă la fin de lâĂ©tĂ© austral. Quant aux femelles et aux jeunes adultes, ils resteront tranquilles pendant encore 10 mois. Les otaries Ă fourrure dorment et se dĂ©tendent sur la cĂŽte pendant la journĂ©e et sâalimentent la nuit, chassant principalement des calmars, des pieuvres et des poissons.
Ayant Ă©tĂ© Ă©duquĂ©s sur les moeurs et le rythme quotidien et les migrations saisonniĂšres des mammifĂšres marins, les opĂ©rateurs de tourisme adaptent leur sorties en mer au mieux afin de limiter leur impact. Il est par exemple recommandĂ© d’Ă©viter toute interaction durant les pĂ©riodes de reproduction et de mise-bas qui s’Ă©tendent d’octobre Ă dĂ©cembre.