Une expédition multi-sites pour un vaste inventaire inédit de la petite faune négligée
Une série d’expéditions scientifiques vient d’être lancée par le Muséum National d’histoire naturelle (MNHN) en Nouvelle-Calédonie dans le cadre du programme La Planète Revisitée. Depuis 2006, quatre grandes expéditions ont été menées à Santo, au Mozambique, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et en Guyane, impliquant plus de 700 scientifiques ainsi qu’une logistique sans commune mesure.
C’est donc en Nouvelle-Calédonie qu’une centaine de chercheurs participeront, ces deux prochaines années, à plusieurs missions terrestres et aquatiques d’envergure avec l’objectif principal de trouver de nouvelles espèces.
De par leur isolement total pendant 30 millions d’années, la flore et faune calédoniennes ont évolué en vase clos et offrent une biodiversité exceptionnelle avec un taux d’endémisme le plus élevé au monde. À elle seule, la forêt calédonienne compte plus de 2500 espèces végétales endémiques, tandis que l’IRD (Institut de recherches et de Développement) a recensé près de 20 ;000 espèces marines avec nombre de coquillages rares et de fossiles vivants.
Pourtant, si les grands mammifères, vertébrés, poissons et oiseaux ont été bien étudiés par les institutions de recherche présentes depuis longtemps dans l’archipel, la petite faune demeure méconnue. Et c’est justement sur les petits organismes « négligés » que se concentre cette campagne inédite.
Bien que «négligés» ces organismes représentent 95 % de la biodiversité et jouent un rôle fondamental dans l’équilibre des écosystèmes. Tout l’intérêt des expéditions de La Planète revisitée est donc de leur redonner toute leur place et de favoriser aussi à terme «de nouvelles politiques de conservation qui ne soient plus fondées sur les seules espèces emblématiques que sont les mammifères ou les oiseaux».
De nombreuses espèces ne sont pas seulement endémiques de Nouvelle-Calédonie, mais endémiques de telle vallée, de telle rivière ou de telle montagne
La particularité de cette expédition reposera sur l’isolement des lieux, mais aussi et surtout sur la méthode, nouvelle : «En plus des recherches classiques, le Muséum va utiliser la métagénomique», confirme Philippe Bouchet, professeur chargé des grandes expéditions et directeur des publications scientifiques du Muséum. Une méthode qui consiste à étudier de manière collective du contenu génétique dans l’environnement : les sols, l’air, etc. prélevés dans la nature pour savoir quels gènes et donc quelles fonctions biologiques existent dans le milieu, ce qui servira in fine à construire des profils génétiques.
Ainsi débute ce mois-ci la première séquence de l’exploration des eaux douces calédoniennes, exploration répartie sur six hydro-écorégions de la Grande Terre. Nouveauté de cette expédition, l’étude des eaux souterraines par deux chercheurs hydrogéologues de l’université de Lyon. «Des eaux souterraines qui n’ont pour ainsi dire jamais été étudiées en Nouvelle-Calédonie», selon Philippe Bouchet.
Alors que l’attention s’est toujours plutôt portée sur les poissons, les organismes visés par ce programme seront plutôt les micro-crustacés ou encore les micro-algues. La première expédition se fera sur la plaine des Lacs, dans le Grand Sud, avec une base au parc de la rivière Bleue, avant le lancement de recherches sur deux autres sites de la province Nord, près de Koumac et Hienghène.
Des conventions ont été passées localement pour autoriser et encadrer les collectes du MNHN. Aucune exploitation économique des échantillons et spécimens collectés ne pourra être faite et le partage des avantages pouvant découler de l’exploitation de ressources naturelles est, là aussi, encadré.