Rencontres avec les cétacés, émotions fortes garanties
D’après Caroline Aimable, qui a rejoint l’équipe de Mystic Man Tours en 1997 et qui dirige aujourd’hui la structure, la baie de la Soufrière est l’un des meilleurs sites d’observation des cétacés de Ste-Lucie principalement en raison de la profondeur des fonds marins qui descendent à plus de 60 mètres à proximité des côtes. Depuis sa création, il y a plus de 20 ans, l’équipe de Mystic Man Tours a repéré, au large de la côte ouest, un groupe résident de dauphins tachetés pantropicaux de près de 300 individus, un groupe de dauphins de Frasers de plus de 500 individus ainsi qu’une population résidente de cachalots nains et pygmées au pied du gros piton. « Vous avez 90% de chance d’observer les dauphins » nous prévient Caroline avec un large sourire en larguant les amarres du « Natural Mystic », un bateau Samson 42, parfaitement adapté pour l’observation des cétacés et tout à fait confortable. Nous nous postons immédiatement à l’avant du bateau prêts à déclencher au premier saut et admirons la célèbre baie de la Soufrière dont le panorama depuis le large vaut à lui-seul la sortie en mer !
Notre guide naturaliste nous explique la configuration des fonds marins et nous détaille les espèces de cétacés que l’on peut y admirer. Les dauphins sont ceux que l’on voit le plus souvent le long de la côte ouest de Ste Lucie, entre 3 et 5 km au large des côtes, les globicéphales entre 5 et 32 km et les cachalots qui sont régulièrement observés au large du nord-ouest, ouest et sud-ouest de l’île, tout comme les faux orques (Pseudorca crassidens). Les baleines de Bryde ainsi que les baleines à bosse sont observées quant à elles entre janvier et avril, durant la période de reproduction et de mise bas.
Rencontre exceptionnelle avec des orques !!
Le bateau met soudainement le cap à l’ouest. Nous scrutons l’horizon et apercevons trois nageoires dorsales noires déchirant le bleu pur du ciel : de quelle espèce s’agit-il ? Présents à proximité du tombant de la baie de la Soufrière, les globicéphales et les cachalots sont fréquemment observés par l’équipe par groupe de plusieurs spécimens. Mais l’aileron dominant que l’on distingue mieux à présent est impressionnant, la tâche blanche au-dessus des yeux et la livrée blanche et noire des animaux nous indiquent clairement qu’il s’agit d’un petit groupe d’ORQUES !! Ce sont des orques (orcinus orca) ! La tension monte à bord du bateau, l’équipage n’en croit pas ses yeux car c’est extrêmement rare de pouvoir observer des orques au large de Ste-Lucie.
Il s’agit d’une famille d’orques nomades composée d’un mâle et de deux femelles dont une plus jeune. Le mâle se distingue par sa nageoire dorsale triangulaire qui peut s’élever jusqu’à 1,80 mètres et par son corps massif et puissant qui peut atteindre 9 mètres de long pour un poids de 9 tonnes ! L’aileron dorsal de la femelle est beaucoup plus court et de forme arrondie. D’après notre guide, les orques nomades peuvent parcourir plus de 1000 km en 3 mois et n’hésitent pas à s’attaquer aux requins et aux grands mammifères marins. Nous admirons, bouche-bée, les trois orques qui se nourrissent dans un banc de petites bonites, à environ deux miles à l’ouest des Pitons, vers lesquels ils se dirigent ensuite tranquillement, sondant de temps à autre. Le bateau s’approche doucement des animaux tout en respectant la limite pour nous permettre d’immortaliser la scène. Les orques réapparaissent à la surface après quelques minutes d’apnée et nous pouvons voir et entendre leur puissant souffle. Nous sommes conscients d’assister à une rencontre rare et précieuse et profitons de chaque seconde d’observation.
Observations des dauphins résidents de la baie de La Soufrière
A peine remis de nos émotions, le bateau se dirige déjà vers le large où l’on peut observer l’animation d’un groupe de dauphins. Il s’agit de dauphins tachetés pantropicaux (Stenella attenuata) et de quelques dauphins de Fraser (Lagenodelphis hosei), un petit dauphin d’une moyenne de 2 mètres dont la robe offre différentes nuances de gris. Une rencontre certes beaucoup plus banale que la précédente mais tout aussi intense et réjouissante.
Dès l’approche du bateau, les cétacés augmentent leur vitesse de nage pour nous suivre, certains d’entre eux nous rendent visite à l’étrave tandis que d’autres exécutent quelques acrobaties sous les applaudissements des passagers et les cris des enfants. Difficile d’immortaliser le spectacle car les dauphins sont dispersés en plusieurs petits groupes et on ne sait plus où donner de la tête ! Alors que l’excursion s’est déroulée sans un nuage et sans un souffle d’air, le ciel s’assombrit subitement comme pour marquer la fin de l’observation qui aura duré 3 heures au total.
Sensibiliser la population locale à la protection des mammifères marins
De retour au village de la Soufrière, nous faisons part de notre rencontre exceptionnelle avec les orques à Caroline Aimable qui nous donne quelques informations complémentaires. Très unies, les orques vivent dans le même clan familial tout au long de leur vie et communiquent en permanence ; les scientifiques ont d’ailleurs observés une entre aide peu commune dans le monde animal nous explique la jeune femme, qui n’a jamais pu observer d’orques, mais qui a assisté à un incroyable rassemblement de 500 globicéphales autour d’un nouveau-né mourant ! «La scène s’est déroulée à proximité des côtes de Chastenet. Le spectacle de ce groupe d’animaux semblant se recueillir autour d’un petit corps flottant était impressionnant et terriblement émouvant. Face à l’ampleur du mouvement, on a d’ailleurs craint un échouage massif !»
Cérémonie de deuil d’un groupe de globicéphales
Les globicéphales sont régulièrement observés en groupe de 20 à 100 animaux au large des côtes et sont malheureusement chassés par certains pêcheurs locaux en dehors des zones touristiques et principalement sur les côtes sud-ouest et est de Ste-Lucie. D’après Caroline Aimable, il s’agit d’une activité traditionnelle et des spécimens sont régulièrement débarqués dans les ports de Soufrière, Choisel, Laborie, Vieux Fort, Dennery, Micoud ou encore Castries. A l’heure actuelle, aucun contrôle n’est mis en place par les autorités locales pour empêcher cette pêche.
Un engagement quotidien sur tous les fronts
Originaire de La Soufrière, Caroline Aimable croit beaucoup à la sensibilisation des enfants et des étudiants et organise régulièrement des sorties d’observation de dauphins et baleines ou des sorties de découverte des fonds marins en snorkeling ou en bateau à fond de verre. L’année dernière près de 800 élèves ont visité la réserve marine en bateau à fond de verre dans le cadre du programme scolaire et se sont particulièrement intéressés aux populations de dauphins et de baleines résidentes des eaux de Ste Lucie. «C’est incroyable de voir l’excitation des enfants ! Ils vivent si proche de la mer sans être jamais allé au large ou sans avoir pu observer des dauphins ou des baleines… C’est important qu’ils prennent conscience de la richesse de leur patrimoine marin naturel». L’équipe de Mystic Man Tours offre par ailleurs des sorties d’observation aux familles les plus démunies et aux pêcheurs pour tenter de leur faire partager l’émerveillement des rencontres avec les cétacés et la nécessité de les protéger. La magie des interaction fait souvent son effet, comme pour ce pêcheur qui a confié à Caroline avoir pleuré après avoir croisé le regard d’un globicéphale qu’il venait de pêcher. Depuis, le pêcheur se mobilise contre la chasse des cétacés et tente de convaincre ses collègues de ne pas tuer ces animaux qui ont une sensibilité et qui jouent un rôle important pour l’écosystème marin de l’île.
En partenariat avec l’association ECCN (Eastern Caribbean Cetacean Network), la jeune femme a également mis en place en 2008 le programme « Live Free in the Sea », dont le but est de faire prendre conscience aux jeunes locaux de l’impact de leur comportement sur les plages, les récifs et les fonds marins de leur île. Chacune des actions et formations environnementales est couplée avec une forme d’expression artistique afin de faciliter la transmission du message. Caroline essait de travailler sur le long terme avec des classes pour optimiser les échanges et la compéhension. Quand elle leur a demandé un jour pourquoi il fallait se préoccuper du sort des cétacés, un des élèves lui a répondu «parce qu’ils s’inquiètent pour nous». C’est ce genre de réaction attendrissante qui nourrit la motivation de Caroline pour agir au quotidien avec les moyens du bord !
L’équipe de Mystic Man Tours collabore étroitement avec la SMMA et n’hésite pas à aller à la rencontre des plaisanciers à bord des bateaux qui mouillent dans la baie pour les informer des espèces de cétacés présentes et pour les sensibiliser à leur préservation. «Les plaisanciers ont souvent l’opportunité de rencontrer des mammifères marins et il est important qu’ils acquièrent les bons réflexes pour profiter de leur présence en les perturbants le moins possible et en assurant leur propre sécurité» explique Peter Butcher, le chef des rangers du parc marin.
Les sorties d’observation des mammifères marins figurent parmi les activités de pleine nature les plus appréciées des touristes à Ste Lucie, d’après Caroline Aimable, qui est également vice-présidente de l’association St. Lucia Whale and Dolphin Watching. Le but de cette association, qui regroupe une dizaine de prestataires impliqués dans l’observation des cétacés, est de promouvoir des prestations de qualité et d’apporter un soutien technique et scientifique à ses membres. Parmi les priorités de l’association, le renforcement de la réglementation d’approche des animaux, la formation de guides naturalistes à bord des bateaux et la mise en place de programme d’éducation pour sensibiliser les enfants à la préservation de la faune marine.