Développement du tourisme vert
Loin du tourisme balnéaire qui a propulsé Sainte-Lucie parmi les destinations touristiques de choix de la Caraïbe, cette randonnée couplée avec de l’observation ornithologique montre que l’écotourisme se développe à l’intérieur de l’île. Il semble d’ailleurs que toutes les conditions soient réunies pour aller dans ce sens : une forêt tropicale luxuriante et préservée, dont une partie de forêt primaire, des paysages à l’intérieur de l’île très peu urbanisés, des sentiers natures aménagés bien entretenus et accessibles au grand public, des espèces d’oiseaux rares et spectaculaires, une volonté du gouvernement de préserver le patrimoine naturel du pays avec la création de réserves naturelles et une population locale accueillante qui s’intéresse à son patrimoine local.
Des mesures de préservation des espèces d’oiseaux endémiques
C’est le site le plus connu de Ste-Lucie pour observer les oiseaux de Ste-Lucie et notamment les cinq espèces endémiques. Situé à l’intérieur des terres, à 6 km de la route côtière, le Millet Bird Sanctuary réunit les conditions idéales pour admirer les espèces les plus rares de l’île qui sont protégées par des lois nationales et qui font l’objet de mesures de préservation efficaces, tel le perroquet de Ste-Lucie (Amazona versicolour), affectueusement surnommé « Jacquot » par les locaux.
Jacquot, l’emblème national de Ste-Lucie
Cet oiseau magnifique au plumage jaune et vert a été menacé d’extinction vers la fin des années 1970, période à laquelle il ne restait plus qu’une centaine d’individus, selon Jovicich (1976). Pour mettre fin à la chasse de cet oiseau rare, le gouvernement a lancé un programme de préservation en commençant par déclarer ce bel oiseau coloré emblème national de l’île ! Une chanson a même été composée en son honneur, les paroles précisent que le seul fait de blesser un perroquet de Sainte-Lucie constitue un acte de trahison ! C’est dire l’importance de l’espèce pour les St-Luciens…
Au-delà de ces décisions symboliques, le ministère des forêts a lancé une campagne d’éducation environnementale et est parvenu à diminuer presque totalement le braconnage et les problèmes de déforestation au sein de la réserve forestière. Aujourd’hui, plus de 2000 perroquets s’épanouissent dans la canopée où ils ont retrouvé un habitat digne de ce nom et où ils peuvent à nouveau trouver une grande variété de fruits, de graines et d’insectes. Notre guide Damas Justin, nous précise que ces charmantes créatures raffolent des mangues. « La meilleure période pour observer les perroquets est en mars durant la saison des mangues ; en venant tôt le matin dans la forêt, on est sûr de pouvoir observer des spécimens autour des manguiers » explique notre guide en nous montrant des arbres ornés de fleurs jaunes ; « ils sont facilement identifiables à leur crissement spécifique qui résonne dans toute la forêt ». La saison de reproduction a lieu entre février et mai. Les perroquets font leur nid dans les cavités à l’intérieur d’un tronc d’arbre creux comme les gommiers ou châtaigniers. La femelle adulte y pond deux voire parfois trois œufs blancs. » Notre guide nous apprend que les perroquets sont très fidèles et peuvent rester en couple jusqu’à la fin de leur vie. « ;Quand l’un des deux meurt, il peut s’écouler des années avant que le survivant ne se trouve un compagnon. » En ce mois de novembre, nous n’aurons pas aperçu la plume d’un perroquet, mais nous gardons en tête les moeurs touchantes de ces oiseaux.
Découverte de la forêt tropicale de Ste Lucie
Nous marchons en silence le long du sentier balisé sous l’épais couvert végétal, à l’affût d’un battement d’aile ou d’un cri… Malgré notre concentration, Justin qui connaît bien «sa forêt tropicale» a toujours une longueur d’avance. Il s’arrête et nous prévient de la présence d’une femelle Black Finch (Melanospiza richardsoni), une des espèces endémiques de l’île, dont le nom local est Moisson Pied-blanc en nous donnant quelques explications sur l’espèce. Nous nous arrêtons à certaines stations d’alimentation, où une noix de coco ouverte a été placée pour attirer les oiseaux. Justin peut imiter certain cris ce qui ne manque pas d’attirer les congénères des espèces invoquées. Deux semaines avant notre venue, Justin nous apprend qu’il a pu observer deux boas qui muaient. Outre cette espèce de serpent qui est inoffensive tant qu’elle ne se sent pas agressée, la forêt tropicale de Ste Lucie ne présente pas de dangers aux randonneurs qui doivent cependant être vigilant et discrets comme dans n’importe quel environnement naturel sauvage. Le sentier serpente à travers la réserve forestière nationale du Millet et mène jusqu’à un point de vue imprenable du barrage de Roseau, qui, avec ses 2 km de long et une capacité de production de 6,3 millions de gallons d’eau par jour, est le plus important de toute la Caraïbe orientale.
Un programme de reboisement de la forêt en cours
On peut d’ailleurs observer quelques traces des ravages occasionnés lors du passage de l’ouragan Tomas en novembre 2010. D’après notre guide, un glissement de terrain a rendu le barrage de Roseau, le principal réservoir de l’île, totalement hors d’usage, obligeant à un rationnement de l’eau potable. Ainsi, le ministre de la santé, a de son côté lancé un appel urgent en direction de la population. Sainte-Lucie a une solide expérience de la gestion des forêts, aussi un programme de reboisement a été rapidement lancé par le ministère des Forêts. Miss Donovan, la directrice de la structure, nous explique les travaux en cours et nous fait visiter la pépinière où poussent les divers plans d’arbres. Le reboisement doit s’envisager à partir d’espèces arborées à pousse rapide, tel que le pin du Nicaragua, et des spécimens qui croissent plus lentement.
Rencontre avec le Pewee endémique de Ste-Lucie
Nous poursuivons la ballade, abrités du soleil par la luxuriante frondaison, et profitons au maximum de cette profusion d’espèces d’arbres fruitiers, de plantes et d’animaux. Au détour du chemin, Justin nous fait observer un anolis roquet, un lézard abondant dans toutes les Antilles, qui se dore la pilule sur un tronc d’arbre. Nous remarquons la capacité de l’anolis de changer de couleur par mimétisme avec le milieu. De couleur vert sous l’effet de la température, sa robe s’assombrit quand la température diminue.
Avant de faire demi-tour nous atteignons un nouveau point de vue et nous reposons un quelques minutes sur un banc en bois pour admirer le Mont Gimi, le pic le plus élevé de l’île culminant à 950 mètres, qui émerge majestueusement au-dessus de la canopée et d’une légère couche de brume. Nous suivons des yeux le vol olympien d’un balbuzard (Pandion haliaetus ridgwayi) qui semble dominer ce magnifique paysage…
Notre guide nous propose ensuite de faire demi-tour, mais une intuition nous incite à emprunter un dernier petit chemin et nous serons bien inspirés par Dame Nature car c’est là que nous trouverons le point d’orgue de notre randonnée !! Justin s’arrête et tend l’oreille ; il croit reconnaître le cri spécifique d’un « Pewee » (Contopus oberi) qui s’apparente à un «pree-ee» et un aigu «peet-peet-peet» comme il nous le reproduira plus tard. Devant nos yeux extasiés, un petit oiseau élégant au corps gracile s’est posé sur une branche. Cette espèce endémique de gobe-mouche est surnommée localement «Pin Kaka» nous explique notre guide. D’une taille de 15 cm de long il arbore une robe couleur jaune foncé tirant vers le brun-olive. C’est un oiseau très timide qui est& difficile à observer, d’où notre grande chance !! De nombreux passionnés d’ornithologie viennent à Sainte-Lucie pour observer entre-autre cette espèce endémique de l’île. L’habitat du Pewee se trouve principalement dans les sous-bois de la canopée à haute altitude, et moins fréquemment en basse altitude et dans les zones plus sèches. Le nid se compose de feuilles, de lichens et de mousse placés sur une branche. La femelle pond deux œufs de couleur crème sombre, fortement tachetés de brun. La saison de reproduction s’étend de mai et Juin.
Enchantés par cette rencontre rare, nous retournons sur nos pas le sourire aux lèvres et le boîtier rempli de belles images.