Observer le mur de requins gris
Immersion dans la fameuse passe de Tetamanu, réputée comme l’une des plus belles de Polynésie pour ses couleurs et pour la densité de la faune et flore.
Les ancêtres paumotu l’ont nommée Tumakohua en raison de sa forme qui évoquait selon eux le sexe féminin (hua). D’après les légendes que Taupiri Teanuanua, l’un des six habitants du motu, garde fièrement dans un cahier, « jadis les passes Tumakohua et N’garue située au nord ouest de Fakarava eurent sept filles dont les courants, qui traversent l’atoll et le protègent, portent aujourd’hui le nom… »
Après cette belle introduction, place à l’immersion ! Le courant rentrant nous invite justement à une dérivante des plus prometteuses. Nous nous mettons à l’eau côté océan et descendons le long du récif droit jusqu’à l’observatoire situé vers 22 mètres. L’endroit est idéal pour admirer le rassemblement de requins gris ou « rairas » (carcharhinus amblyrhynchos) évoluer dans la passe. Près de 80 squales se croisent et à se recroisent en boucle, prêts à surgir sur la première proie détectée. Quelques requins bordés (carcharhynus limbatus) qui se distinguent par leur robe plus foncée et leur aileron dorsal pyramidal ainsi que deux ou trois requins à ailerons blanc de récif ou « tapete » (carcharhinus albimarginatus) se joignent à la ronde rituelle.
D’après notre moniteur qui a trempé ses palmes dans une dizaine d’atolls des Tuamotu, c’est la plus grosse concentration de requins de l’archipel après celle de Tiputa à Rangiroa.
Un jardin corallien digne des mille et une nuits
La passe de Temakohua recèle d’innombrables trésors, à commencer par sa magnifique roseraie qui, contrairement à celle de Moorea a l’avantage de se trouver à une profondeur accessible soit à -35m. Le spectacle est de toute beauté. Des nuées de demoiselles et de vivaneaux à rayures bleues butinent les pétales de calcaire que nous survolons juste avant de nous engouffrer dans des canyons. Nous optons pour le goulet de droite qui débouche sur un ancien parc à poissons dans le lagon. Sous les voûtes des canyons se cachent des bancs de priacanthes et de poissons écureuils à l’abri du courant et des prédateurs. Notre route croise celle d’un banc de bécunes argentées puis celle d’une bande de perches pagaie poursuivies par des carangues à grosse tête (caranx ignobilis).
Une véritable nurserie de poissons de récif
Le courant nous propulse tout à coup dans un jardin digne des contes des mille et une nuits. Des massifs intacts de Montipora, d’acropora et autres porites s’étendent à perte de vue et se déclinent dans des dégradés de mauve, jaune, bleu et oranger. Les rayons de soleil illuminent le récif qui se reflète comme un miroir à l’envers de la surface. Les eaux protégées et peu profondes de cette partie du lagon abritent une véritable nurserie de poissons de récif. Ici demoiselles, papillons, cochers, diodons et anges empereurs cohabitent dans une parfaite harmonie seulement troublée par la visite de requins à pointe noire (carcharhinus melanos), de loches marbrées ou de mérous célestes. Contre toute attente, un magnifique marlin voilier nous dépasse dans 5 mètres d’eau ! S’il me demande son chemin, c’est que nous sommes réellement au pays des merveilles… Nous referons la même plongée le lendemain avec une variante à la fin en sortant de l’autre côté de la passe devant le ponton de la pension de famille Tetamanu Village où les aiguillettes s’étirent de tout leur long en effleurant la surface.
Plongées dérivantes dans la passe
Les plongées dans les passes ont propulsé les Tuamotu sur les rangs des premières destinations mondiales de plongée. Ces immersions se pratiquent en « dérivantes ». Les plongeurs se laissent entraîner par le courant de la passe, sans même avoir à donner un coup de palme et peuvent profiter de fabuleuses rencontres aquatiques avec la faune variée qui y transite.
Ce type de plongée véritablement palpitant ne comporte aucun danger tant que les conditions de sécurité sont réunies et tant que les courants sont favorables. Les plongeurs la pratiquent généralement avec le courant rentrant qui les emmène depuis le côté océan jusqu’à l’intérieur du lagon qui est peu profond. Plonger en courant sortant dans une passe est donc généralement trop risqué pour les plongeurs, mais Tetamanu est l’exception qui confirme la règle : son étroitesse (230 m de large) et ses faibles courants en font l’une des passes les plus accessibles de Polynésie.
Encore envoûtés par les légendes et les couleurs pures de la passe de Tumakohua, nous remontons à la surface où les langues de sable rose bordent le récif de Fakarava. Nous prenons alors toute la mesure de la signification de cet atoll, « faka » qui signifie grand rocher et « rava », la beauté.
Immersion dans la plus grande passe de Polynésie
De l’autre côté de Tetamanu, au Nord de l’atoll de Fakarava, se trouve la plus grande passe de Polynésie. Sa concentration en faune en font l’un des plus beaux spots de plongée des Tuamotu.
N’Garuae ou « la grande bouche » en polynésien ne mesure pas moins de 1600 mètres ! D’après les croyances locales, les deux passes sont unies par les marées et les courants, qui représentent les enfants de Garuae, l’homme et de Tumakohua (la passe sud de Tetamanu), la femme. Le centre de plongée propose des explorations dans cette passe plus large et plus « virile ». Les plongées sont complètement différentes par rapport à la passe Sud, tant au niveau de la topographie du site que des courants beaucoup plus forts qu’à Tetamanu.
L’immersion dans la passe se déroule toujours en courant rentrant mais plusieurs possibilités s’offrent aux palanquées. Quelque soit le côté choisi, cette plongée dérivante est spectaculaire. La mise à l’eau se fait dans le bleu côté océan avec la rencontre habituelle à l’entrée de la passe des requins gris de récif. Selon la période, il est possible de voir le grand requin marteau qui maraude tranquillement. Ensuite, on se laisse porter par le courant vers l’intérieur du lagon en passant dans de vastes canyons couverts de magnifiques coraux. Les rencontres y sont multiples et réservent leur lot de surprises tel le vol de raies manta, le passage de barracudas ou la concentration de carangues noires.
Cette passe nord est tapissée de magnifiques coraux habités par une multitude de petits poissons multicolores. La dérive entraîne ensuite les plongeurs jusqu’à une grande cuvette très encombrée où se superposent des bancs de Priacanthes, de perches pagaies, de cochers et de papillons, tandis que se croisent des tortues, des napoléons et plusieurs espèces de requins.
Les plongées extérieures se déroulent côté océan le long des tombants récifaux extérieurs et se terminent sur de magnifiques jardins de corail balayés par les rayons solaires. L’ambiance est très belle et les rencontres y sont variées et toujours inattendues. Tel ce voilier marlin qui fait une brève apparition près de notre palanquée ou ces couples de picots qui changent de couleur en pleine parade nuptiale…