Découvrir la biodiversité marine rare du Fiordland
Le contraste se poursuit sous l’eau où l’on peut observer et sentir la différence entre les eaux douces et salées formant deux couches bien distinctes avec des écarts de température de 10 degrés !
Des espèces rares des profondeurs accessibles aux plongeurs
Afin de ne pas trop se refroidir en surface, les plongeurs doivent s’immergent rapidement, le long de la paroi rocheuse des falaises, dans une eau trouble teintée par l’humus et les décompositions organiques. Curieuse sensation que de flotter dans cette sorte d’ice-tea glacé à 5°C, ambiance photo sépia du 19ème siècle… Cette couche supérieure, épaisse de 5 à 10 mètres selon l’endoit du fjord où l’on se trouve, provient de l’eau fraîche des rivières et des chutes des montagnes, tandis que la couche inférieure provient de l’eau de mer qui se distingue par son incroyable limpidité et sa température plus chaude, autour de 14°C ! On éprouve alors un réel soulagement de pouvoir se réchauffer et un réel émerveillement d’accéder à cet univers peuplé d’espèces inattendues.
Les fjords sont connus pour y trouver à 10 mètres de profondeur des espèces vivant d’ordinaire à 1000 mètres ! Un terrain d’observation rêvé pour les biologistes marins. L’absence de houle et l’obscurité qui y règnent sont à l’origine de ce phénomène. La différence en indice de réfraction entre les deux couches d’eau fait que la lumière y pénètre difficilement. On y trouve, de ce fait, beaucoup d’espèces vivant plus près de la surface que d’habitude, comme le corail noir (Antipathes fiordensis).
Des espèces fragiles à croissance lente et avec une longue durée de vie
Le Fiordland est connu pour sa population de corail noir, véritable star marine des fjords, qui s’avère être la plus grande au monde. Ces colonies animales vivent ici entre 5 et 35 mètres de profondeur et grandissent plus lentement que leurs homologues tropicaux. Si les coraux noirs doivent leur nom vernaculaire à leur squelette de couleur noirâtre, on les reconnaît pourtant à leurs branches comportant des milliers de ramifications argentées. Ces sortes de branches peuvent mesurer jusqu’à 4 mètres, permettant ainsi aux polypes de déployer leur tentacules pour capturer le plancton dans le courant. Conscient de la rareté de l’espèce à cette profondeur, nous prenons le temps d’admirer un spécimen accroché à une pente rocheuse à -15 mètres environ. Tel un éventail, il oscille élégamment parmi les eaux limpides de Doubtful Sound… Magique ! Les organismes cessiles, qui sont fixés sur le substrat, sont nombreux dans les fjords. Fiorland enregistre d’ailleurs la plus forte concentration et diversité de brachiopodes dans le monde. Sur les parois rocheuses balayées par les courants, nous observons tout un monde colorés d’éponges jaunes et oranger, de brachiopodes rouges vif, de crinoïdes, d’étoiles de mer, d’holothuries et d’ophiures…
Ces espèces de coraux mous vivant en eau froide sont particulièrement fragiles et ont une croissance très lente, avec une espérance de vie entre 50 et 100 ans pour certains ! Tels des éléphants dans un magasin de porcelaine, nous évoluons tout doucement en optimisant la flottabilité et en contrôlant chaque coup de palmes afin de limiter au maximum notre empreinte dans ce tableau de maître.
Chasse au trésor marine dans le fjord
Considéré comme l’un des sites de plongée les plus palpitants de Nouvelle-Zélande, le « Gut » – dont la signification littérale « boyau » n’est d’ailleurs pas des plus poétiques – s’adresse aux plongeurs expérimentés en raison de sa profondeur et de ses courants qui peuvent être violents au-delà d’une certaine zone. Ces avertissements en tête, nous descendons précautieunnesement sur un vaste plateau sablonneux situé entre 25 et 30 mètres de profondeur où nous découvrons avec enchantement un beau groupe de pennatules couleur incarnat. Telles de petites fougères de 30 à 40 cm de hauteur dressées à la verticale sur le fond, une quinzaine de plumes de mer d’un bel oranger corail se balancent très légèrement dans le courant. Une vision magique et souvent inédite pour la plupart des plongeurs qui ont rarement l’occasion d’observer cette espèce de pennatule. Comme de nombreuses espèces marines du fjord, cette plume de mer se trouve généralement sur des sites beaucoup plus profonds.
Des espèces rares de coraux mous en eau froide
Quelques « blue cods » (Parapercis colias) et des perches de sables nous tiennent compagnie tandis que nous prenons quelques clichés de ces joyaux aquatiques. Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises puisqu’en descendant 10 mètres plus loin, nous atteignons le clou de la plongée : un magnifique massif d’hydrocoraux d’un rouge vermeil saisissant ! A côté de ces bijoux des profondeurs, s’érige un récif rocheux recouvert d’un tapis de parazooanthides d’un jaune vif.
Le décor est véritablement féerique. Loin des idées reçues de couleurs sombres et ternes, les fonds marins des fjords offrent des ambiances incroyables et des surprises aux plongeurs qui peuvent y assouvir leurs fantasmes de chercheurs de trésors… Le temps de prendre quelques photos pour concrétiser cette vision chimérique, nous amorçons la remontée. En effet, il est déconseillé de s’attarder dans ces parages profonds à proximité d’un courant qui peut être dangereux. Et puis, il nous faut penser à la décompression, le chemin du retour nous impose de passer le lendemain par la Wilmot pass, une route de cols s’élevant à 680 mètres.
Une réserve marine trop réduite et sans contrôle efficace
Les plongées dans les fjords ne s’improvisent pas et requièrent autant de l’expérience en plongée qu’une certaine connaissance des sites et des courants. Durant l’immersion, nous avons malheureusement pu observer quelques branches de coraux cassées et quelques macro déchets… Des dégâts dus, selon nos hôtes, à la hausse de fréquentation des sites de plongée et à un manque de respect de cet écosystème si singulier et fragile.
D’après Ruth et Lance Shaw, les bateaux de pêche sportives sont de plus en plus nombreux à naviguer sur le Doubtful Sound malgré son isolement géographique.
Faute de contrôle, ces opérateurs pêchent blue cods, mérous, ormeaux, langoustes et coquilles St-Jacques sans respecter aucun quota… Nos guides nous rappellent que leur compagnie d’écotour Fiordland Ecology Holidays était la seule à proposer des croisières sans pêche ! Aujourd’hui, tous les opérateurs du Doubtful Sound sans exception proposent des croisières avec pêche, voire même avec chasse au daim au programme…
Ruth et Lance déplorent la trop faible surface de la réserve marine qui ne représente que 5% de la totalité de Doubtful Sound ! Des propositions de création et d’extension de réserves marines et de mise en place de quotas pour mieux gérer les prises quotidiennes de poissons selon les espèces et les saisons ont été apportées par les » Guardians of Fiordland Fisheries and Environment « , les gardiens de Fiorland, qui comprennent notamment des membres des tribus maoris locales. Des réunions ont lieu régulièrement avec les responsables locaux représentant le DOC, ministère de l’environnement, mais aucune décision n’a été entérinée jusqu’à ce jour. Le développement du tourisme durable est pourtant l’une des solutions les plus évidentes pour permettre au Fiordland de conserver ses trésors…