A la rencontre des phoques gris de Molène
Approcher les phoques sous la surface, entre rochers et forêts d’himentales et observer les comportements de ce mammifère joueur et curieux… Un rêve à portée de palmes réalisable avec Rando Mer, une structure spécialisée dans la découverte du milieu marin et la sensibilisation à sa protection.
Observer ces mammifères marins dans leur habitat est une expérience impressionnante que Claude Le Guitton, notre encadrant, pratique depuis les années 1990s. Sa première rencontre avec un de ces spécimens reste gravée dans sa mémoire «je me suis mis à l’eau et à ma grande surprise un phoque s’est déplacé spontanément vers moi ; je suis resté dans l’eau plus d’une heure avec lui : un moment inoubliable !».
D’après Claude, l’approche discrète est justement la clef de la rencontre. »Il faut palmer très lentement et attendre que le mammifère vienne vers vous. S’il ne se déplace pas, inutile d’insister, c’est que ce n’est pas le bon moment.« . Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une rencontre avec un animal sauvage…
Randonnées palmées au coeur du parc marin d’Iroise
Profitant d’une fenêtre météo ensoleillée, je pars avec l’équipe de Rando Mer sur le site de l’archipel de Molène où 7 à 8 phoques se prélassent sur des reposoirs. La mer descend et le coefficient de marée n’est pas très élevé. Claude repère un site abrité du vent et de la légère houle, vérifie le courant et choisit un mouillage respectant une distance optimale de façon à ne pas déranger les phoques tout en permettant aux nageurs de s’approcher du site en toute sécurité. Une étape primordiale qui requiert à la fois de l’expérience avec les animaux et une connaissance de la mer d’Iroise.
À peine immergée, je me retrouve déjà face à face avec une jolie femelle reconnaissable à sa robe couleur crème parsemée de taches sombres et à son museau gracile. Je suis prise au dépourvue : elle me fixe de ses yeux globuleux et rieurs alors que c’est moi qui suis censée l’observer ! Je retrouve mes esprits et mes réflexes de photographe et la voilà qui disparaît pour ressurgir quelques minutes plus tard derrière moi. J’appelle les 3 garçons qui font partie de l’expédition et les presse de me rejoindre. Après quelques légers coups de palmes nous nous approchons d’une sorte de talus bordé de laminaires et d’himentales au travers desquelles apparaissent subrepticement les phoques.
Interaction exceptionnelle avec les mammifères marins
Peu farouche, la femelle revient nous rendre visite et n’hésite pas à frôler les garçons qui explosent de joie. « Même si c’est très tentant ne les touchez pas » prévient Claude, « il faut éviter de les perturber et surtout on ne peut pas prévoir leur réaction. » À la surface nous apercevons trois têtes de mâles plus sombres et au profil busqué qui approchent doucement mais qui restent cependant à distance. Nous respectons leur choix et nous positionnons à la frontière du petit talus dans 2 mètres d’eau de profondeur. L’eau est à 15°C mais le froid se fait à peine sentir grâce à la combinaison, aux chaussons et la cagoule, et surtout grâce à l’excitation de la rencontre. La jeune femelle est toujours la seule à oser nous approcher ; elle s’amuse à virevolter devant nous, à faire la planche et à nous surprendre en évoluant en rase-mottes.
Un peu plus loin derrière le talus, on aperçoit deux phoques qui jouent ensemble en s’agrippant l’un à l’autre. L’étale n’est pas loin et l’eau devient plus trouble avec la présence des algues. Il est temps pour les phoques de se reposer et pour nous de rejoindre le bateau qui doit quitter son mouillage. Une euphorie particulière règne à bord du bateau ; chacun raconte son interaction avec la femelle et partage son émotion. Claude nous apprend que les phoques ont une durée de vie de près de trente ans et qu’ils peuvent rester sous l’eau pendant une demi-heure et s’immerger jusqu’à 200 m de profondeur ! Emerveillés, les garçons comprennent mieux l’importance de préserver les milieux marins, et rejoignent ainsi le club des jeunes ambassadeurs des océans.
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Une activité éco-touristique bien maîtrisée
Fort de son expérience auprès des phoques, Rando Mer est conscient du risque de déranger les phoques et de les faire changer de site si les conditions d’approches ne sont pas respectées. Les animaux sont sensibles à la présence des randonneurs palmés, aussi l’équipe de Rando Mer respecte la distance minimale qui les perturbe le moins. D’ailleurs, en suivant ces conseils, les nageurs optimisent les chances d’interaction, les phoques se sentant en confiance. Par ailleurs, l’activité est proposée d’avril à octobre et ne dérange donc pas la colonie pendant les périodes de reproduction et de mue qui ont lieu en automne et en hiver. Il faut rappeler enfin que les prestataires proposant cette activité dans l’archipel sont rares, limitant ainsi l’impact sur les animaux.
Présente sur le terrain pendant la période estivale, l’équipe de Rando Mer collabore volontiers avec le parc naturel marin d’Iroise et le laboratoire des mammifères marins d’Océanopolis et leur transmet ses observations. D’après Sami Hassani, chercheur à Oceanopolis, l’observation des reposoirs et l’étude de la fidélité aux sites permettent de constater depuis plusieurs années une augmentation globale de la population de phoques gris et des effectifs changeants en fonction des saisons. L’archipel de Molène est un le site de mue (qui a lieu en février/ mars) de prédilection des phoques gris dont la reproduction et la mise bas a plutôt lieu dans l’archipel des Sept îles, plus abrité.
Un précieux indicateur de la qualité du milieu
En effet, cette colonie n’est ni sédentaire ni strictement côtière. Elle fait partie d’une population qui vit entre les côtes anglaises et bretonnes. Ainsi, certains individus restent toute l’année dans l’archipel et s’y reproduisent, tandis que d’autres restent en Angleterre, ou que d’autres transitent au cours de l’année entre les reposoirs de Molène et ceux d’Angleterre. L’avenir de cette colonie semble donc assuré, d’autant que le phoque gris est sous la surveillance des professionnels du parc naturel marin d’Iroise et des biologistes d’Océanopolis. En tant que prédateurs majeurs de l’archipel, les phoques représentent un précieux indicateur de la qualité du milieu. Créé en 1989, le laboratoire d’études des mammifères marins d’Océanopolis effectue de nombreuses sorties sur le terrain pour un suivi régulier qui permet d’améliorer les connaissances sur cette population. Par ailleurs, chaque année, entre novembre et février, la clinique des phoques d’Océanopolis – unique en France – accueille de jeunes phoques, épuisés par les tempêtes hivernales ou capturés dans les filets de pêche, qui s’échouent sur les plages. Après avoir été soignés, nourris et bagués, ils sont relâchés.