Remplacer une rivière vivante par un canal en béton est-il bien durable et bénéfique pour la population ?
La rivière Taharu’u est située au sein de la commune de Papara, à 40 km de Papeete sur la côte ouest de Tahiti, réputée pour son spot de surf mythique.
En 2013, le gouvernement local décidait d’aménager cette rivière pour consolider ses berges fragilisées par quarante ans d’exploitation mal coordonnée de ses agrégats et par la multiplication de constructions anarchiques. Le but de ces travaux titanesques menés sur six ans dont le budget avoisine les deux milliards de (Fcfp) est la protection des propriétés privées qui longent cette rivière mais aussi de la plage en aval. La création de cheminements piétons le long de la rivière est prévue afin de lier la plage à la vallée avec une végétalisation des berges et la mise en place d’espaces publics, « au bénéfice des familles ».
Pourtant, les premiers travaux d’aménagement de la rivière ont été mal accueillis par la plupart « des familles ». Les entreprises intervenantes ont ainsi été accusées de se livrer à des extractions non autorisées et les habitants se sont inquiétés d’une atteinte à la largeur de la plage et au site de surf bien connu et très fréquenté par les familles.
« Ce chantier d’aménagement de la rivière a été lancé, et ce malgré l’existence du PGA (plan général d’aménagement) de Papara encore valide qui interdit toute extraction dans la commune, grâce à un plan aléa inondation de 2005 » souligne Claudine Tuarau, la présidente de l’association Ia Ora Taharu’u, inquiétée par les premières opérations de curage et d’ enrochements de berges.
« Nous sommes contre toute extraction dans les rivières, pour le moment Taharu’u est très menacée. Le fait de la canaliser va augmenter la vitesse d’écoulement de l’eau lors des crues et aura des impacts plus dangereux sur les berges. Ce n’est pas le volume d’eau qui est dangereux mais la vitesse d’écoulement. Ceci est prouvé par la thèse de Matthieu Aureau, docteur en hydrologie qui préconise de ne pas répéter les erreurs de la Punaru’u. »
L’extraction de granulats compte parmi les sources les plus importantes de dégradation de l’environnement polynésien
Un travail de concertation mené par le comité de suivi est entamé depuis quelques jours et aurait gagné à être lancé plus tôt. La question des extractions se pose encore et toujours. En abaissant le lit de la rivière, en reprofilant le cours d’eau, « on creuse la rivière pour lui donner un lit suffisant pour laisser passer une crue décennale » explique le directeur du service de l’Equipement, Jean-Paul Le Caill. « Ces matériaux serviront uniquement aux travaux menés par la Direction de l’Equipement pour les routes, c’est un engagement que le ministre a tenu devant les élus de l’Assemblée de Polynésie ». Cependant, rien n’est encore acté à ce sujet et d’après le rapport du GEGDP commandé par le territoire l’extraction de granulats compte parmi les sources les plus importantes de dégradation de l’environnement polynésien (sable dans les lagons, corail sur les récifs, alluvions dans les rivières, roche dans les carrières terrestres). Malgré l’interdiction d’extraire tout granulat dans l’ensemble du domaine public le statut dérogatoire perdure depuis 1968 et les extractions autorisées ou non restent très nombreuses.
Par ailleurs, des travaux d’aménagement à Paea sont prévus dans la rivière Tiapa sur plus d’un kilomètre à partir de l’embouchure visent à réguler le débit de la rivière lors des fortes précipitations alors que depuis quatre décennies, la rivière n’aurait pourtant débordé qu’à deux reprises.
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