Une pratique ancestrale de préservation des ressources bien acceptée
Depuis ces derniĂšres annĂ©es, le constat des 60 pĂȘcheurs de la commune de Teahupoo est unanime : il y a moins de poissons dans cette zone de pĂȘche de la Presqu’Ăźle de Tahiti pourtant reconnue depuis toujours comme poissonneuse. D’aprĂšs les observations des locaux, non seulement les espĂšces de poissons y sont moins nombreuses mais la taille des prises tend Ă©galement Ă diminuer.
Pour les habitants et les pĂȘcheurs de Teahupoo qui entendent prĂ©server leurs ressources naturelles, la mise en place d’un « rahui » s’est imposĂ©e naturellement.
« Par le passĂ©, les PolynĂ©siens ont toujours su encourager la reproduction des poissons Ă travers le « Rahui » », explique GĂ©rard Parker, maire de la commune de la presquâĂźle qui sait de quoi il parle pour avoir travaillĂ© sur le sujet Ă lâIfremer ! « Le rahui est une zone tabu dans laquelle il est interdit de pĂȘcher, de circuler et mĂȘme de se baigner afin de laisser le temps aux espĂšces de grandir. »
Grace Ă un financement de la CommunautĂ© EuropĂ©enne, une importante zone maritime Ă©tĂ© sanctuarisĂ©e afin de permettre aux poissons de se rĂ©gĂ©nĂ©rer. Six balises dĂ©limitant une zone de 700 ha Ă lâintĂ©rieur et Ă lâextĂ©rieur du lagon ont Ă©tĂ© posĂ©es par les pĂȘcheurs eux-mĂȘmes. Des amĂ©liorations sensibles sont attendue dans les trois annĂ©es Ă venir.
Pionniers en matiÚre de développement durable, les anciens ont mis en place ce systÚme de jachÚre
Les initiateurs de la rĂ©serve de biosphĂšre de Fakarava ont Ă©galement pris en compte ce systĂšme de prĂ©servation exemplaire perpĂ©tuĂ© de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration et lâont intĂ©grĂ© dans la mise en place du zonage.
Annie Aubanel-Savoie, qui a travaillĂ© au sein de lâIFRECOR, lâinitiative française pour les rĂ©cifs coralliens, sur lâidentification des diffĂ©rentes zones de la rĂ©serve, a eu l’occasion d’interroger les « anciens ». De tous temps, le partage de l’espace dans les atolls a toujours Ă©tĂ© rĂ©glementĂ© par les « anciens ».
« Les Puamotu Ă©taient de vĂ©ritables pionniers en matiĂšre de dĂ©veloppement durable. Pour exploiter les ressources de lâatoll tout en les prĂ©servant, ils ont mis en place le fameux RAHUI, qui reposait sur un principe de jachĂšre. Tous les trois mois, les travailleurs de coprah et leurs familles se dĂ©plaçaient pour exploiter la cocoteraie du motu voisin, laissant ainsi la nature se rĂ©gĂ©nĂ©rer. Un bateau rĂ©cupĂ©rait la cargaison de coprah sur un motu diffĂ©rent Ă chaque fois. VĂ©ritables nomades des cocoteraies, les habitants bivouaquaient de motu en motu pour finalement faire le tour de lâatoll ! »
Si les traces du rahui remontent au 14Ăšme siĂšcle, la pratique demeure plus que jamais d’actualitĂ© Ă la veille de la COP21 et sa lĂ©gitimitĂ© auprĂšs des locaux est remarquable en comparaison avec d’autres outils de prĂ©servation bien moins populaires.